Philippe Folliot intervient sur la PPL “logements indignes en Outre-mer”

Philippe Folliot eLogements indignes d'outre-merst intervenu comme porte-parole de son Groupe sur la proposition de loi du Groupe socialiste (Serge Letchimy) relative à l’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Parmi les principales mesures de la proposition de loi figurent notamment:

– la prise en compte de l’habitat informel dans les opérations publiques d’aménagement ou d’équipements publics en cas de démolition des lieux occupés, et reconnaissance d’un droit à indemnisation dans des conditions limitées et encadrées (article 1er)

– l’introduction de la notion « d’habitat informel » dans la définition de l’habitat indigne tel que figurant dans la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite « loi Besson » (article 7)

– des sanctions pénales en cas de méconnaissance par le bailleur de locaux d’habitat informel de ses obligations résultant d’un arrêté d’insalubrité ou de péril (article 12)

En tant qu’ancien directeur d’une coopérative HLM et titulaire de la commission nationale d’évaluation des politiques Outre-mer, Philippe Folliot est intervenu pour souligner l’importance de ce texte au regard de l’ampleur de la situation: “selon le rapporteur, 200 000 personnes vivant dans des conditions de logement indigne ; rapporté aux 2,4 millions d’habitants de l’outre-mer, cela fait presque 10 % de la population, chiffre énorme et choquant. Imaginons un instant, mes chers collègues, qu’il s’applique à la métropole : aurions-nous si longtemps toléré, collectivement, une telle situation ?”, a déclaré Philippe Folliot dans son intervention.

La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par tous les groupes de l’Assemblée nationale.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui entend répondre à une problématique importante. Il s’agit de l’habitat indigne et insalubre dans les départements et territoires d’outre-mer.

Le rapport qui nous avait été présenté en octobre 2009 par M. Serge Letchimy avait révélé encore un peu plus, s’il en était besoin, l’ampleur du problème. Mes chers collègues, j’éprouve doublement du plaisir à prendre la parole devant vous, au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés : tout d’abord parce que j’ai consacré une dizaine d’années de ma vie professionnelle au secteur du logement social, ensuite parce que j’ai eu l’occasion de réfléchir et d’écrire il y a quelques mois sur la problématique de notre France sur mer et ultramarine.

Sur le fond, je rappellerai quelques chiffres et quelques faits : entre 50 000 et 60 000 habitats précaires en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion ; 23 000 logements insalubres à Mayotte ; une bidonvilisation rampante et accélérée, notamment du fait de l’immigration clandestine, en Guyane.

Au total, monsieur le rapporteur, votre rapport fait état de 200 000 personnes vivant dans des conditions de logement indigne ; rapporté aux 2,4 millions d’habitants de l’outre-mer, cela fait presque 10 % de la population, chiffre énorme et choquant. Imaginons un instant, mes chers collègues, qu’il s’applique à la métropole : aurions-nous si longtemps toléré, collectivement, une telle situation ?

M. Jean-Claude Fruteau. Bonne question !

M. Philippe Folliot. C’est, au fond, une mesure de justice et d’équité, ne serait-ce que territoriale, que nous prenons avec ce texte. Il s’agit d’un problème éminemment social, mais nous devons aussi corriger une criante inégalité territoriale entre la métropole et l’outre-mer.

M. Jean-Claude Fruteau. C’est vrai !

M. Philippe Folliot. Vivre dans une maison relevant de l’habitat indigne n’est pas sans conséquences sur la santé, l’éducation et la vie quotidienne de nos concitoyens.

Si nous voulons véritablement traiter cette problématique, il faut tout d’abord répondre – le rapport le souligne bien – à la question de l’autoconstruction sans permis ni terrain personnel, ce que vous appelez, monsieur le rapporteur, l’habitat sans droit ni titre. Il ne s’agit pas de stigmatiser le principe de l’autoconstruction. Je n’oublie pas qu’en métropole, le mouvement des Castors, par exemple, a dans les années soixante beaucoup œuvré, par le biais de l’autoconstruction, au développement de l’accession très sociale à la propriété. La question de la propriété du sol est le véritable nœud de la problématique, eu égard à une utilisation abusive du droit de ce sol.

Il me paraît important de ne pas stigmatiser non plus les départements et collectivités d’outre-mer, car nous avons aussi connu une telle situation en métropole, tout récemment encore. Je pense notamment à ce qui se passe dans certaines zones touristiques, en particulier sur la côte languedocienne, où un certain nombre de nos concitoyens ont installé des caravanes près des plages, avant d’y ajouter un abri de jardin, puis une structure en bois autour… De fil en aiguille sont apparues sur des terrains interdits à la construction, en toute illégalité, de véritables maisons.

L’habitat informel outre-mer tire sa spécificité de sa construction sans permis, du fait que les personnes ne sont pas propriétaires des terrains et ne possèdent parfois ni droit ni titre sur le foncier. Aujourd’hui, bien que les terrains appartiennent, sur le papier, aux collectivités publiques ou à des personnes privées, l’urbanisation est bien là. Elle est anarchique, non organisée, ne bénéficie souvent ni de réseaux d’évacuation des eaux pluviales ni d’alimentation structurée en eau potable, voire d’électricité ou d’équipements publics structurants.

Ceci a une double conséquence : sur l’environnement, tout d’abord, en raison, par exemple, de l’absence de systèmes d’épuration, mais aussi sur les finances des collectivités locales, car les habitants de ces quartiers ou lieux-dits demandent des services identiques à ceux offerts dans les quartiers plus conventionnels.

Nous ne pouvons fermer plus longtemps les yeux et il convient d’analyser les conclusions du rapport commandé par le Gouvernement à notre collègue Serge Letchimy. La situation du logement indigne en outre-mer requiert une intervention adaptée qui tienne compte, comme l’a souligné l’oratrice précédente, des spécificités pouvant exister dans tel ou tel territoire.

Notre intervention doit être adaptée, car comment résorber cet habitat insalubre quand la propriété du sol est dissociée de la possession du bâtiment ? Le paradoxe va même jusqu’à ce fait qui nous a été rapporté lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques : de nombreuses personnes ayant construit leur habitation sur un terrain qui ne leur appartient pas payent tout de même la taxe d’habitation, parfois aussi – ironie cruelle – la taxe sur le foncier bâti.

Aujourd’hui, il est impossible d’indemniser ces familles lorsque sont engagées des procédures de relogement ou encore d’appliquer toutes les procédures permettant le financement des opérations de résorption de cet habitat à la suite d’une déclaration d’insalubrité.

Alors que le paiement des impôts locaux leur confère une forme de titre de propriété, il n’est pas pensable, pour les centristes, de demander à des gens de quitter un logement qu’ils occupent de manière paisible et continue depuis plus de dix ans sans leur offrir la moindre indemnité. La proposition de loi de M. Serge Letchimy et de son groupe, ainsi que le travail mené en commission par l’ensemble des groupes et le Gouvernement, ont permis d’apporter des réponses pragmatiques.

J’en cite quelques-unes : la prise en compte de l’habitat informel dans les opérations publiques d’aménagement en cas de démolition des lieux occupés ; l’indemnisation du bailleur en cas de démolition de locaux donnés à bail aux fins d’habitation édifiés sans droit ni titre sur des terrains propriété de personnes publiques ; la faculté offerte aux maires d’édicter des arrêtés de péril ; la faculté aussi de créer des groupements d’intérêt public pour conduire des opérations de résorption de l’habitat indigne dans les quartiers d’habitat dégradé ; ou encore la mise en place de sanctions pénales en cas de méconnaissance par le bailleur de locaux d’habitat informel de ses obligations résultant d’un arrêté d’insalubrité ou de péril.

Le groupe centriste avait soulevé en commission la question de l’appétit de promoteurs privés et marchands de sommeil face à ces propositions législatives bienveillantes. En effet, il ne faudrait pas se montrer naïf car les enjeux et les conflits d’intérêt potentiels sont considérables. Nous avons été rassurés et nous croyons que ce danger a été écarté, le texte ayant été sécurisé quant à cet aspect.

En ce qui concerne le dernier blocage, le problème d’inconstitutionnalité apparu il y a quelques jours sur l’article 1er, il a donné lieu à un travail de fond entre le rapporteur, la commission des affaires économiques et les services du Gouvernement. Nous ne pouvons que saluer ce travail main dans la main en vue de dépasser les blocages et de faire avancer les choses pour qu’une solution soit trouvée.

En conclusion, les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés saluent cette initiative constructive entre le Parlement et le Gouvernement. Une initiative suivie dans le temps : le rapport a été concrétisé par une proposition solide qui vise les bonnes questions. Une initiative qui a fait l’objet d’un consensus large : en tant que centristes, nous nous félicitons de ce travail transpartisan ; chaque fois qu’un consensus de ce type est trouvé, le Parlement, et surtout la République, en sortent grandis. Une initiative qui a réussi à appréhender de façon pragmatique la réalité du logement insalubre en outre-mer. Enfin, une initiative guidée par un souci d’équité et de solidarité avec ces territoires.

Je souhaite rendre plus particulièrement hommage au rapporteur et lui dire que c’est son travail de fond, relayé par celui de la commission, qui nous permet de parvenir à cette solution consensuelle dont nous ne pouvons qu’être très heureux.

Aussi, compte tenu du fait que les derniers blocages constitutionnels ont été levés, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur divers bancs.)

 

 

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