Pérégrinations autour d’un mot : TECHNOCRATES

| 19 MAI 2020 | 

Ils sont partout, se développent, prospèrent, on pourrait presque dire pullulent, les technocrates. Je pense que nous ne sommes pas guéris, bien au contraire, de ce mal du siècle de notre société.

Par un raccourci autant malhonnête que provocateur, certains assimilent ce terme à celui de fonctionnaire et, même si nombre d’entre eux en sont, c’est une stupidité, pour ne pas dire une offense, pour ceux très nombreux dans la fonction publique qui agissent avec honnêteté, discernement et dynamisme, avec une réelle volonté d’être au service du public, au service de l’Etat, au service de l’intérêt général. Si selon le dictionnaire le technocrate est « celui qui fait prévaloir des données techniques et économiques sur des facteurs humains », je pense qu’on peut aller plus loin dans la définition : c’est celui ou celle qui sait tout et qui a décidé une bonne fois pour toutes que lui seul avait raison !

Est-ce que le souffle démocratique, rénovateur et refondateur de 2017 a fait reculer la technocratie ? Je suis au regret d’affirmer que non et « le nouveau monde » ne diffère pas de « l’ancien monde » en ce domaine, bien au contraire.

Pour être clair avec vous, je ne les supporte plus ces petits marquis souvent bien nés et bien diplômés qui vous répondent de haut et depuis leur parcelle de pouvoir dans un parti, dans un groupe parlementaire, dans un cabinet ministériel, dans une direction administrative… Ils vous font ressentir que le pouvoir, c’est eux, par eux et je rajouterai même parfois pour eux. Que vous ayez gagné une dizaine d’élections les plus diverses et variées dans des conditions parfois difficiles, ils n’en ont cure, la légitimité démocratique « ils s’en battent » … Courber l’échine pour quémander ici une question d’actualité, là une réponse à une missive, plus loin un rendez-vous : très peu pour moi !

Il y a dans tous ces cercles de pouvoir des gens exceptionnels, motivés, honnêtes et compétents, mais leur bonne volonté est sabotée par les médiocres qui, pour subsister, ont besoin d’intrigues, de jeux de pouvoirs, de passe-droits. Finalement, c’est une forme de dévoiement de la démocratie à laquelle nous assistons, et à cause d’eux, le progrès n’est pas en marche mais à l’arrêt.

Quelques politiques en sont, ils n’ont pas compris ou feignent de ne pas comprendre qu’une vague relativise la performance individuelle et que les contre-vagues sont terribles : nombre de députés-techno LR en 2012 ou PS en 2017 peuvent en témoigner.

Face aux technocrates, il faut résister, et la phase dite III du quinquennat pourrait être marquée par ce tournant.

Il faut résister mais aussi dénoncer et combattre. En pleine crise du Covid-19, est-il normal d’attendre quinze jour un simple PV pour procéder au dédouanement de 100 000 masques ? Nous pourrions, chacun pourrait à loisir, multiplier les exemples de celles et ceux qui subissent, mais plus pour longtemps, sans rien dire.

J’ai souvent parlé de biaïs, ce bon sens paysan de la montagne Tarnaise : c’est lui l’ennemi mortel de la technocratie, l’ennemi juré des technocrates, car il les met à nu face à leurs lamentables turpitudes. Si l’on ne veut pas que le mauvais vent populiste n’emporte tout sur son sinistre passage, il est temps qu’au plus haut niveau il y ait une réelle prise de conscience, de l’humanité et pas de la compassion, des actes et pas de l’autosatisfaction, de la volonté et pas de la frustration.

Se lâcher un peu, ça fait du bien, c’est comme une « générale » sur un terrain de rugby, ça cogne puis ça remet les idées en place, ça engendre in fine du respect de part et d’autre et en tout état de cause, au moins, en attendant une hypothétique troisième mi-temps… ça soulage !   

Amitiés,
Philippe FOLLIOT

Pérégrinations autour d’un mot : TECHNOCRATES