La famille en question

Édito de la lettre d’information n°121 du 25 octobre 2012

 

A l’heure où notre pays s’enfonce dans une crise sans précédent, où les clignotants, les uns après les autres, virent au rouge, avons-nous besoin de débats et projets clivants qui, au-delà de notre pacte républicain, touchent aux fondements même de notre société ? Il y a quelques temps, j’avais fustigé « les fractures » relatives au débat sur l’identité nationale dans un ancien édito (n°69 du 12-02-2010) ou celui lancé par le Président de l’UMP, Jean-François Copé, sur l’islam, que j’avais qualifié « d’inutile et d’incertain », aujourd’hui, j’ai les mêmes doutes sur la question du « mariage pour tous ».

Outre la vieille tactique politicienne qui vise à agiter un chiffon rouge sur l’opinion afin qu’elle en oublie l’essentiel sur la situation économique et financière du pays, sur son manque de compétitivité, sur un taux de chômage préoccupant, sur les inégalités sociales et territoriales… je crois que tant sur la forme que sur le fond ce débat méritait mieux pour ne pas diviser plus que ne l’est déjà notre pays.

Toucher à la famille, cellule de base de notre société, sans qu’il y ait un véritable débat national, contradictoire et apaisé, où les uns et les autres échangent leurs arguments, me paraît dommageable. Comme c’est le Parlement et non le peuple souverain par référendum, comme je l’aurais souhaité, qui tranchera cette question, je me dois d’expliquer pourquoi je voterai contre ce projet de loi. Ma position est claire, je crois que fragiliser l’institution séculaire qu’est la famille pour répondre à de légitimes demandes de couples homosexuels relatives à la sécurisation juridique et fiscale de leur relations, notamment au regard de la transmission de patrimoine en cas de décès, est très dangereux. Améliorer le Pacs y compris le légitimer en le célébrant en mairie, voire en changer le nom, est la bonne voie, plus raisonnable que celle du mariage qui, pour moi, doit rester l’union d’un homme et d’une femme en vue de procréer. Je constate que mes amis homosexuels sont dans cette logique et ne souhaitent pas une égalité de mot (mariage) mais une égalité de droits.

Derrière le débat sur le mariage, il y a, en fait, celui beaucoup plus important, sur la filiation et l’homoparentalité. En fait, la question de fond sur un plan juridique ou psychologique est : un enfant peut-il avoir deux pères ou deux mères ? Là aussi, la réponse pour moi est non. Aller vers une telle fiction physiologique et mettre le doigt dans l’engrenage de la procréation médicalement assistée pour tous sans cadre me semble très grave. Pour autant, je pense que nous ne pouvons pas rester dans la situation d’hypocrisie actuelle car de fait l’homoparentalité existe car la loi permet à un célibataire d’adopter. Si celui-ci cache qu’il vit en couple ou s’installe ensuite en couple avec une personne de même sexe, rien ne peut l’empêcher. Ainsi, nous avons plusieurs milliers d’enfants qui sont élevés par leur père ou mère adoptif et le compagnon ou la compagne de celui-ci, qui, juridiquement, est un étranger pour ces derniers. En conséquence de quoi, au décès du père ou de la mère adoptant, l’enfant peut être placé dans une famille d’accueil ou une institution dépendant de l’Agence Régionale de Santé, ce qui engendre des drames et fractures lourds de conséquences. Pour moi, la sagesse serait de légiférer sur un véritable statut de beaux-parents donnant droits et devoirs au compagnon de l’adoptant et indifféremment pour les « familles homoparentales » ou pour les « familles hétérosexuelles recomposées ». Ainsi, dans une logique de filiation, un enfant aurait toujours un père et/ou une mère biologique ou pas (adoptant) et éventuellement un « beau-père » ou une « belle-mère » responsable pour lui et devant lui.

Personnellement, j’ai été touché par l’exemple d’un très proche, qui, ayant, il y a quelques années, rencontré sa future femme avec deux enfant en bas âge issus d’une précédente union, a élevé ces enfants comme les siens, le père biologique ne s’en occupant pas ou peu. Au décès de son épouse, mère de ses beaux-fils, il s’est retrouvé juridiquement sans droits vis-à-vis d’eux. Heureusement adolescents en âge de raison, les enfants ont pu exprimer devant le juge le souhait de vouloir continuer à vivre avec celui qui les a élevés et aimés filialement… leur « beau-père » !

N’oublions pas que certains qui réclament le mariage pour tous aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui dénonçaient il y a peu cette institution comme bourgeoise et ringarde ! La société évolue mais je crois que la sagesse de la politique ne doit pas être d’accompagner des modes mais de préserver les fondamentaux.

 

Amitiés.

Philippe FOLLIOT

 

 

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