Et si la France exploitait son propre gaz ?

L’actualité marquée par l’agression sauvage de l’Ukraine par la Russie nous renvoie à nos propres faiblesses, nos propres dépendances, au premier rang desquelles figure le gaz. Or en matière énergétique, force est de constater que les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des enjeux soulevés.

 

Dans une nouvelle tribune intitulée « Et si la France exploitait son propre gaz ? » le sénateur Philippe Folliot, membre du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et auteur du livre « France-sur-Mer, un empire oublié », explique que la France a toutes les ressources nécessaires pour exploiter son propre gaz, voir même, faire de notre pays, un pays exportateur. Ce texte publié dans La Tribune ce vendredi 11 mars 2022 revient sur les enjeux relatifs aux énergies et notamment le gaz, reconnu énergie verte par l’Union européenne dans le cadre de sa “taxonomie” comme il l’expliquait dans le précédent éditorial “Energie positive !“.

 

Dans ce nouveau texte publié dans La Tribune ce vendredi 11 mars 2022 Philippe Folliot revient sur la surprenante décision visant à suspendre les permis de recherche gaziers sous l’île française de Juan de Nova, pourtant une potentielle solution pour assumer à terme une moindre dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger en général et de la Russie en particulier :

Et si la France exploitait son propre gaz ?

La menace d’une rupture commerciale avec la Russie, donc d’une interruption de nos importations gazières, nous fait courir un risque énorme en termes d’approvisionnements. Ce seul risque, sans même parler de ses effets concrets, aura forcément un impact sur les coûts liés à cette énergie, déjà victime d’une flambée des prix sans précédent, qui pèse lourdement sur les ménages les plus modestes.

Or, en matière énergétique, force est de constater que les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des enjeux soulevés. Le manque de vision, de consistance et de cohérence dans ce domaine constituent autant de boulets dont nous devons impérativement nous délester, afin de mener à bien notre transition énergétique, qui va de pair, selon moi, avec notre souveraineté énergétique.

Fessenheim, fermeture politique et dogmatique
Après les volte-face sur le nucléaire, la confirmation de la fermeture – politique, dogmatique – de la centrale de Fessenheim, voilà que le président de la République annonce la construction de six nouveaux réacteurs pressurisés européen (EPR)

Quant aux énergies fossiles, elles sont traitées en France avec une hypocrisie sans nom. Alors que leur exploitation est fortement contrainte et limitée sur notre territoire, pour des raisons évidemment écologiques, leurs importations sont au contraire favorisées.

Comme ce fut le cas en leur temps pour les OGM, au sujet desquels toute recherche a été proscrite, et dont on a interdit la culture, mais pas l’importation (90% des tourteaux de soja importés pour l’alimentation animale sont des OGM), nous restons dans des postures où nous acceptons que ce qui est « sale » soit traité ailleurs, mais surtout pas chez nous, tout ça pour se donner une bonne conscience… écologique !

Si au moins nous étions cohérents comme nos voisins européens qui, eux, en matière d’OGM, ont tout refusé (Autriche) ou tout accepté (Espagne), cela aurait au moins le mérite de la transparence. Au contraire, la France persiste et signe !

Ainsi, la loi Hulot de 2017 interdit dès maintenant les nouvelles recherches et prospections pour une sortie de la production d’hydrocarbures d’ici 2040

Au niveau européen, le nucléaire et le gaz se sont vus octroyer le label d’« Énergies vertes de transition » dans le cadre de ce que l’on appelle la « taxonomie pour une finance durable ».

Tout le monde a compris que les énergies renouvelables intermittentes (éolien, solaire) ne pouvaient pas être la seule solution pour palier l’abandon programmé, souhaitable et nécessaire du charbon, puis du pétrole.

Alors, puisque nous ne pourrons pas toujours compter sur les autres pour nous approvisionner, quelles autres solutions s’offrent à nous ? Pour le gaz, j’en vois au moins une toute tracée.

D’immenses ressources de gaz ont été trouvées dans le Golfe du Mozambique et le pays éponyme a commencé à exploiter ses gisements, en prenant comme opérateur le groupe Total énergies.

De l’autre côté du canal, Madagascar, avec l’appui de la Chine toujours en recherche de matières premières indispensables à son développement économique, a déposé des permis de prospection sur ce même gisement.

Les ressources de l’île française de Juan de Nova
Au milieu se trouve l’île française de Juan de Nova, avec des ressources avérées. Elles avaient fait l’objet de permis d’exploration par les entreprises Marex Petroleum Corporation et South Atlantic Petroleum qui, de manière surprenante pour ne pas dire choquante, ont été abandonnés au moment de leur renouvellement à mi-parcours, soit au bout de cinq des dix années initialement prévues, pour des raisons strictement politiques.

En ma qualité de membre du conseil consultatif des TAAF (Terres antarctiques et australes françaises), en 2019, je m’étais insurgé contre cette décision car ne pas aller au bout des recherches pour connaître l’étendue des réserves et leur exploitabilité économique me paraissait un véritable non-sens.

Imagine-t-on le Qatar coincé entre l’Iran et l’Arabie Saoudite refuser d’exploiter son gaz ? Imagine-t-on les Pays-Bas ne pas procéder de même alors que leurs voisins britanniques et norvégiens le font allègrement ?

La délégation sénatoriale aux Outre-mer dans son rapport n°546 intitulé « Les Outre-mer au cœur de la stratégie maritime nationale » demande également la reprise des prospections !

Une proposition à étudier
Compte tenu du contexte, de la flambée des prix de l’énergie, des enjeux géopolitiques et géostratégiques, viser une indépendance énergétique gazière, et certainement faire de notre pays un exportateur, serait une proposition à étudier, à tout le moins.

De plus, Juan de Nova est à moins de 500 kilomètres de Mayotte, département français en proie à des difficultés économiques et sociales connues de tous. En faire une base arrière, avec toutes les retombées que cela engendrerait, mérite là aussi d’être envisagé.

En cette période d’élection présidentielle, qui devrait aussi, et surtout, être propice à des débats de fond sur des enjeux majeurs, j’espère que ce sujet ne sera pas occulté !

 

Cette tribune est également à retrouver sur le site de La Tribune.

 

Et si la France exploitait son propre gaz ?