Tromelin… vous avez dit Tromelin !

Edito de la Lettre d’information n°127 du mardi 23 avril 2013

Mis à part les lecteurs de l’excellent roman de la talentueuse Irène Frain « Les naufragés de l’île Tromelin », personne, ou presque, ne connaît ou n’a entendu parler de cet îlot situé dans l’océan Indien, à 450 km à l’est de Madagascar, et à 535 km au nord de la Réunion.

De par ma volonté de faire retirer de l’ordre du jour de la séance du jeudi 11 avril dernier la ratification, par procédure d’examen simplifiée sans débat du traité Franco-Mauricien pour la cogestion de Tromelin, j’ai simplement voulu poser une question de forme et de fond. Mais finalement, nous nous retrouvons face à une crispation diplomatique et un vrai enjeu médiatico- symbolique. Sur la forme, jusqu’où le Parlement se rabaissera-t-il en étant une simple chambre d’enregistrement de décisions prises à d’autres niveaux ? Si l’on ne débat pas d’un tel abandon de souveraineté, comment peut-on être légitime pour parler et agir sur d’autres sujets ? Hasard du calendrier, une visite ministérielle à Tromelin la semaine dernière ne saurait, loin s’en faut, lever les doutes sur la souveraineté si ce traité était ratifié en l’état. Sur le fond, plus j’avance, plus je me dis que ce traité est à proprement parler scandaleux et lourd de conséquences. Scandaleux car contraire à l’article premier de la Constitution de 1958 qui stipule : « La République est une et indivisible ». Même si cet îlot a seulement une superficie d’un km² et s’il n’est en permanence occupé que par une demi-douzaine de personnes travaillant pour la météo, il engendre 280 000 km² de Zone Economique Exclusive (ZEE), à comparer aux 345 000 km² de la métropole. Ce n’est pas rien ! Pour comprendre le problème, utilisons une métaphore : Si l’île de Tromelin était une maison, les eaux territoriales en seraient les dépendances. Un accord d’utilisation et de partage des ressources du vaste terrain attenant (la ZEE) peut se comprendre. Mais quand votre voisin cogère avec vous votre maison et vos dépendances, vous n’êtes dorénavant plus chez vous !

Cela est d’autant plus grave quand différentes clauses de cet accord font que votre voisin partage votre maison tant qu’il le souhaitera. L’enjeu est que si certaines ressources sont avérées, notamment halieutiques avec l’étonnant choix de préférence aux pêcheurs mauriciens plutôt que réunionnais, d’autres sont prétendues, mais possibles (pétrole, modules polymétalliques)… Comment les partagera-t-on ? Au-delà de tout cela et du traité lui-même, il y a derrière un double symbole. Quand un pays doute de lui, il commence à renoncer à sa souveraineté, petitement et lointainement tout d’abord, mais ensuite ? Ce n’est pas parce que la France souffre d’un mal très profond, le métropolicentrisme, c’est-à-dire qu’elle se croit en permanence européenne et continentale alors qu’elle est mondiale et maritime (avec 11 millions de km², elle a la 2ème ZEE au monde), qu’il faut pour autant brader cet atout. Après Tromelin, sur la base de ce grave précédent, ce sera le tour des îles Eparses revendiquées par Madagascar, Clipperton par le Mexique, les T.A.A.F. (Kerguelen, Crozet, Amsterdam, Saint-Paul) visées par l’Afrique du Sud et l’Australie.

Comment pourrons-nous justifier deux poids deux mesures avec un tel précédent ? Comme je l’ai écrit il y a trois ans dans « France-sur-Mer, un empire oublié », notre pays manque cruellement d’une vraie politique maritime. Pourtant, avec notre domaine maritime, nos entreprises, grands groupes, PME voire TPE sont souvent leaders mondiaux dans ces domaines et sont autant d’atouts à valoriser. La France est grande et forte lorsqu’elle est elle-même, fière, sûre, ouverte et volontaire. Un pays qui se divise inutilement comme on le voit avec « le mariage pour tous », un pays qui n’aborde pas les réformes avec courage et lucidité, un pays qui perd ses repères et qui ne semble plus vouloir travailler, un pays qui doute de ses élites autant que de lui-même est un pays qui doit se ressaisir.

Au moment où vous lirez ces lignes, je serai à Bamako, au Mali, juste avant d’aller voir nos hommes sur le terrain au nord du pays. Ils ont mené, comme je l’ai dit hier à la tribune de l’Assemblée nationale, avec succès un combat sans merci ! Hier, je terminais mon propos par un proverbe malien à méditer « On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère mais d’avoir perdu l’espoir ». Grâce à notre intervention, le Mali a retrouvé l’intégrité et la souveraineté sur son territoire dans l’espoir d’un avenir meilleur. Que ce sursaut démocratique et patriotique qui démarre autour de Tromelin devienne lui aussi source d’espoir pour notre si beau, envié et grand pays, notre douce France qui, 5ème puissance mondiale tout de même, doit retrouver confiance en elle-même pour affronter avec sérénité et dynamisme les mille sentiers de l’avenir !

 

Amitiés

 

Philippe FOLLIOT

 

Tromelin… vous avez dit Tromelin !