Tribune : Troisième confinement, un choix qui serait fatal pour le pays

Si un troisième reconfinement a été écarté par l’exécutif, la situation reste pour l’heure fragile. Les derniers chiffres relativement stables de l’évolution de l’épidémie nous prouvent que nous avons eu raison de faire confiance aux Français et que nous devons tout faire pour poursuivre dans ce sens, tant il est vrai que nos concitoyens sont éprouvés, lassés, voire véritablement en souffrance vis-à-vis de cette crise sanitaire dont l’issue est sans cesse reportée depuis près d’un an.

Le vaccin nous offre certes un espoir de sortie, cependant la durée de la campagne de vaccination en cours est incompressible. Organisation matérielle et humaine, logistique et transport des doses, mobilisation de la population parfois sceptique : tout cela demande du temps. Aussi devons-nous continuer nos efforts pour épargner nos hôpitaux et nos soignants, et prendre soin de la santé de tous, en particulier des plus fragiles.

Acceptabilité minime

C’est pourquoi je pense que l’acceptabilité d’un troisième confinement sera minime après cette année extrêmement difficile pour bon nombre de Français.

Je pense aux jeunes, aux étudiants, qui souffrent de l’enseignement à distance, de la solitude et de moyens financiers rendus plus restreints par la crise, car nombreux sont les jobs étudiants qui ne peuvent reprendre à cause de la situation.

À cet âge où se fondent les amitiés les plus solides, où naissent les premiers amours et où les premiers jalons vers la vie professionnelle sont jetés, exiger de s’enfermer une fois de plus dans un logement souvent exigu aurait des conséquences psychologiques majeures, pour le présent et pour l’avenir, qu’aucun de nous n’est encore capable de mesurer.

Je pense également aux artisans, commerçants, restaurateurs, PME, aux acteurs de la culture, du sport, de la vie associative…, qui ont dû suspendre leur activité, momentanément ou sans limite de durée annoncée, et qui sont durement touchés par les conséquences économiques de la crise. Pour certains, ces efforts ont déjà coûté la vie de leur entreprise.

Beaucoup d’autres sont dans l’incertitude des lendemains, dont ils ne sont pas sûrs qu’ils s’en remettront. Alors que les déficits se creusent de manière abyssale, que le différentiel de croissance avec nos principaux partenaires économiques augmente, nous assistons, tétanisés, à l’affaiblissement économique de notre pays qui fait que le « quoi qu’il en coûte » pourrait bien se fracasser sur le mur des réalités financières !

Le drame humain

Sur le plan humain, ce sont aussi tous ces drames intrafamiliaux, aggravés par la promiscuité, que nous devons éviter à tout prix : je pense avant tout aux femmes et aux enfants victimes de violences. Je pense aussi à ces couples séparés contraints de vivre sous le même toit, etc.

Songeons en outre à tous ces foyers ruraux, éloignés de tout, dont les membres souffrent d’autant plus de l’isolement, de la solitude pour certains, que les commerces sont éloignés et fermés, que les services publics sont restreints et de plus en plus dématérialisés, alors même que le seul accès à internet dans ces zones est déjà une lourde problématique en soi.

Il faut saluer ici le travail formidable des maires, élus locaux et agents qui répondent aux besoins concrets de leurs administrés, en particulier dans ces villages sans commerce de proximité, ni pharmacie. Face à la situation d’angoisse que cette pandémie provoque pour les administrés les plus fragiles ou isolés, parfois sans aucun moyen de se déplacer, la mobilisation des équipes municipales est dans la plupart du temps la seule solution pour apaiser un peu les tensions.

Dans ces municipalités, il existe d’ailleurs, selon moi, un danger majeur de démocratie lié aux mesures sanitaires. En effet, dans les petites communes,  beaucoup de maires et d’adjoints, non-retraités, exercent une profession en dehors de leur fonction, qui les contraint à l’exercer, en temps normal, au-delà de l’horaire du couvre-feu.

J’ai alerté le Premier ministre de l’impossibilité pour ces élus locaux de mener correctement leur mission dans ces conditions, et surtout de faire remonter les requêtes de leurs administrés aux échelons supérieurs. Il a répondu à cette lettre avec intérêt et célérité, assurant que toutes les missions menées durant les horaires du couvre-feu étaient considérées comme relevant d’une activité professionnelle et qu’elles faisaient bien partie des exceptions à celui-ci.

C’est un signal extrêmement positif de sa part, car il en va de la relation de confiance entre élus et populations, mais aussi de l’égalité entre citadins et ruraux en matière de citoyenneté.

L’apparition de nouveaux variants parfois plus contagieux ou plus dangereux nous plonge encore un peu plus dans l’incertitude, dans le doute sur la suite à venir. À nous, personnels politiques, de ne pas aggraver la situation en ne jouant pas aux druides, aux voyants, et encore moins aux prédicateurs. Faisons ce pourquoi nous avons été élus : évaluons la situation, débattons démocratiquement et tranchons sur les recommandations à faire. C’est pourquoi je pense que de nombreuses mesures alternatives, intermédiaires, peuvent et doivent être tentées.

Renforcer la confiance accordée aux Français

Cela passera peut-être par une territorialisation de celles-ci – le couvre-feu, comme je l’ai dit, n’est guère adapté à la vie rurale – mais aussi par un maintien et même un renforcement de la confiance accordée aux Français.

Reconnaissons-le : les appels à la désobéissance civile n’ont pas pris dans notre pays comme c’est le cas chez certains de nos voisins. Je suis persuadé que le civisme des Français a encore de la ressource et qu’en nous appuyant sur lui, nous pourrons, sinon l’éviter totalement, du moins repousser au maximum la menace d’un nouveau confinement.

Le troisième confinement, si nous ne pouvons y échapper, devra être l’ultime recours, pour mobiliser les dernières forces et les jeter dans la bataille au moment où nous serons sûrs de l’emporter sur le virus ; non une mesure de passage avant une nouvelle, mais une mesure de fin. Cela seul pourra le faire accepter aux Français à bout de souffle.

La lutte contre la covid-19 est comme un marathon : lancer son accélération finale avant le dernier kilomètre ne sert à rien, si ce n’est à s’épuiser, alors que la vue de la ligne d’arrivée, elle, galvanise et donne le courage d’aller puiser encore plus profond en soi. Nous ne sommes pas parvenus à ce dernier kilomètre, aussi ménageons-nous, ménageons les corps, les esprits et les consciences, et quand le moment viendra, je sais que nous répondrons tous présents.

Philippe Folliot, Sénateur du Tarn, Président de l’Alliance Centriste

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