Philippe FOLLIOT très actif lors des auditions de la commission de la défense 2/2

Commision de la Défense et des forces arméesDurant le mois d’octobre, la commission de la défense a continué ces auditions, entamées en septembre,  sur le budget de la défense pour 2014, mais aussi dans le cadre de la future Loi de Programmation Militaire 2014-2019, qui sera débattue en séance au mois de décembre prochain. C’est dans cet objectif que Philippe FOLLIOT, secrétaire de cette commission, a pu interpeller de nombreux acteurs spécialistes des questions de la défense, notamment dans le domaine industriel. Ainsi, il a pu auditionner Monsieur Kader ARIF, Ministre délégué chargé des anciens combattants, Monsieur COLLET-BILLON, délégué général pour l’armement,, Monsieur Jean-Yves Le DRIAN, Ministre de la défense, l’Amiral Édouard GUILLAUD, Chef d’état-major des armées, le Général Denis MERCIER, chef d’état-major de l’armée de l’air, l’Amiral Bernard ROGEL, chef d’état-major de la marine, Monsieur Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l’administration ou encore Monsieur Jacques FEYTIS, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense.

Lire les auditions ci-dessous:

Audition de Monsieur Kader ARIF, ministre délégué chargé des Anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2014, le 1er octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Monsieur le ministre je tiens à saluer votre volontarisme qui reste intact, en dépit de la contrainte budgétaire que nous connaissons. Sur le sujet du mémorial OPEX nous restons, comme toujours, très jacobins. Compte tenu des blocages qui ont pu se faire jour concernant la place Vauban, je souhaiterais vous faire une proposition d’implantation alternative. Il existe déjà un lieu de mémoire, à Montredon, dans le Tarn, que vous avez pu visiter et apprécier. En ces temps de disette budgétaire, un tel choix permettrait sans doute de faire aussi bien, voire mieux, et à moindre coût ! Je formulerai une question relative à un sujet largement oublié des débats budgétaires : la réserve. Les 71 millions d’euros qui lui sont alloués représentent à la fois beaucoup de moyens et très peu. Pensez-vous qu’ils permettront de répondre aux besoins des réservistes ? Quid de la montée en puissance de la réserve dans le domaine de la cyberdéfense, dans le contexte du Livre blanc et de la loi de programmation militaire ?

Monsieur Kader ARIF. Le monument OPEX sera bien érigé, Monsieur FOLLIOT ! J’ai évoqué les difficultés qui étaient apparues, notamment avec plusieurs associations qui avaient exprimé leur opposition au projet, mais je suis convaincu que l’on parviendra à une solution. Il faudrait que ce monument soit à la hauteur de la place Vauban, et que la place Vauban soit à la hauteur de ce monument. Je ne souhaite pas que ce projet soit renvoyé aux calendes grecques, mais s’il doit prendre quelques semaines de plus, cela ne me dérange pas : il faut que ce monument soit un très beau monument pour honorer comme il se doit la mémoire de nos soldats morts en opération extérieure. Le budget de la réserve opérationnelle est de 71 millions d’euros en 2013. Elle compte 56 328 volontaires engagés, dont 1,6 % est envoyé en opération extérieure. Il existe également une réserve citoyenne de 3 000 citoyens bénévoles. Le ministre de la Défense a rencontré des bénévoles réservistes, qui ont relayé des inquiétudes sur le budget de la réserve dans le cadre de la LPM, mais je pense que dans l’ensemble, chacun a compris les efforts qui ont été faits pour maintenir en capacité la réserve opérationnelle. Il faudra peut-être conduire des évolutions du statut de la réserve pour en faire une réserve d’active plutôt qu’une réserve de masse : je ne peux évoquer de chiffres précis, mais il y a bel et bien une volonté de s’adapter aux nouveaux enjeux, comme celui de la cyber-sécurité.

Audition de Monsieur Laurent COLLET-BILLON, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 2 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Nous avons décidé depuis quelques années de développer les équipements multifonctions – Rafale ou FREMM ; si ces instruments sont bien adaptés pour réaliser les tâches les plus complexes, on peut s’interroger sur le coût d’utilisation de ces équipements pour des opérations ordinaires. L’orientation consistant à privilégier ces outils s’avère-t-elle pertinente ? Cette question se pose notamment pour notre stratégie en termes d’exportation, car nous rencontrons de grandes difficultés à vendre des Rafale – le meilleur avion du monde – et des FREMM. Devons-nous poursuivre dans cette voie ou convient-il de produire des équipements plus spécialisés ?

Monsieur Laurent COLLET-BILLON. Monsieur FOLLIOT, notre flotte aérienne rassemble des appareils multifonctions comme le Rafale et d’autres avions de combat plus spécialisés, comme le Mirage 2000D, même si nous prévoyons de le doter de capacités d’interception alors qu’il n’est principalement qu’un avion d’attaque au sol. Le choix des équipements multifonctions s’impose, car il s’avère le plus pertinent, surtout au moment où les flottes diminuent de taille. Si les FLF rénovées sont davantage dédiées à une fonction particulière, les frégates multimissions s’inscrivent dans le même mouvement, que suivent également nos partenaires – les Britanniques souhaitent ainsi désormais conférer aux Eurofighter des capacités air-sol, ce qui risque de leur coûter fort cher.

Audition de M. Jean-Yves Le DRIAN, ministre de la Défense, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 2 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Une remarque de forme : comme l’avait fait remarquer l’opposition de l’époque lors de l’adoption de la précédente loi de programmation, le vote des crédits de la défense aura lieu cette fois aussi avant le vote du projet de loi de programmation. Sur le fond, force est de constater que la défense n’est pas une priorité du Gouvernement. N’a-t-il pas affirmé que l’éducation, la justice, la sécurité étaient des priorités – donc pas la défense ? Vous vous êtes bien battu, monsieur le ministre, pour essayer de sauver ce qui pouvait l’être. Le projet de loi de programmation repose sur des ressources budgétaires mais aussi sur des ressources exceptionnelles – votre objectif étant de mobiliser autant que possible ces dernières. J’avais noté l’année dernière une contradiction entre la volonté du ministère de la Défense de vendre un certain nombre d’emprises immobilières et le vote de la loi Duflot sur la cession gratuite d’actifs immobiliers de l’État pour faire des logements sociaux. Je constate donc avec satisfaction que, page 33 du rapport annexé de la LPM 2014-2019, on peut lire : « Afin d’atteindre le montant prévu de ressources exceptionnelles affectées à la mission « Défense », ser[a] notamment […] [mobilisée] au bénéfice de celle-ci : l’intégralité du produit de cession d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la Défense ». Dont acte. Concernant ces ressources exceptionnelles, si tout paraît bouclé pour 2014, des interrogations subsistent pour 2015. Ce matin, le délégué général pour l’armement nous a fait part d’interrogations quant à la vente de la bande de fréquences 700 mégahertz. Pouvez-vous nous rassurer sur ce que recouvre la clause de sauvegarde ? Il faut en effet prendre en compte le caractère aléatoire des cessions immobilières qui peuvent obéir aux lois du marché. Autre interrogation : l’équilibre du projet de LPM est fondé sur les perspectives à l’export – je pense au Rafale –, équilibre que pourrait remettre en cause un accident. La Défense a fait des efforts très significatifs pour le rétablissement des finances publiques en termes de suppression d’effectifs ou de sacrifices financiers. Il faut en tenir compte pour éviter tout sentiment d’injustice entre administrations militaire d’un côté et civile de l’autre.

Monsieur Jean-Yves Le DRIAN. Monsieur FOLLIOT, le Livre blanc prévoit que l’aviation de chasse comptera 225 avions en 2025. Pour y parvenir, il faudra des Rafale et des Mirage 2000 D rénovés. Le projet de LPM prévoit la commande de 26 Rafale – 11 en 2014, 11 en 2015 et 4 en 2016. Il faudra bien remplacer un jour les Mirage 2000, aussi la commande de 2016 ne marque-t-elle pas la fin des commandes de Rafale. Le texte prévoit d’ailleurs que la mise au point du nouveau standard F3R du Rafale entraînera une dépense de 1,1 milliard d’euros, auxquels il faudra ajouter 700 millions pour l’avion du futur – à savoir le drone de combat qui n’en est pour l’heure qu’au stade des études. Je suis convaincu que nous allons réussir et que, dès 2014, nous connaîtrons un succès à l’exportation. Si cela n’était pas le cas, nous procéderions à une révision en 2015. Plusieurs d’entre vous sont revenus sur les ressources exceptionnelles. Elles sont validées par le Conseil de défense. Elles représentent 6,1 milliards, voire 7 milliards. Il est vrai que les ressources liées à la vente de la bande de fréquences 700 mégahertz ne seront disponibles qu’en 2016. Je m’emploie donc à mobiliser le reste de la panoplie des ressources exceptionnelles afin que nous obtenions des financements à hauteur de 1,8 milliard pour 2015. Je fais observer à M. Folliot que nous avons atteint nos objectifs en 2013 et que nous les atteindrons en 2014.

Audition de l’Amiral Édouard GUILLAUD, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 3 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Cette LPM propose, pour synthétiser, de « faire mieux avec moins ». Lors de la présentation de la précédente LPM, on nous avait prévenus que la diminution des moyens mettrait en péril nos objectifs généraux. Pourtant, le Livre blanc montre que l’on s’est refusé à faire des choix, préférant garder toute la panoplie de nos capacités d’intervention, sans remettre en cause la deuxième composante de la dissuasion nucléaire. Cela aurait-il permis des économies, et si oui, à quelle hauteur ? Un jour viendra où la contrainte des moyens rendra difficile de préserver nos objectifs. Hier, le ministre de la Défense a répondu avec franchise à nos préoccupations quant au caractère exceptionnel de certaines recettes et à la mobilisation de ces crédits essentiels. Vous nous avez également parlé sans langue de bois de la situation des infrastructures, des taux inquiétants de disponibilité du matériel et du fonctionnement des bases de défense. Ayant déjà contribué de manière très significative à l’effort de redressement des comptes publics, les militaires ont un sentiment d’injustice lorsqu’on leur demande à nouveau des efforts, davantage qu’à certaines administrations civiles. En matière de dépyramidage, comment se passera la suppression prévue des 5 800 postes d’officiers ? Le ministre de la Défense a annoncé hier qu’un des points forts de cette LPM serait de donner plus de moyens aux forces spéciales, évoquant quelque 1 000 effectifs supplémentaires. S’agira-t-il d’une augmentation par création d’un régiment spécifique ou d’une transformation d’un régiment des forces conventionnelles en forces spéciales ? Comment compte-t-on utiliser concrètement la réserve dans la cyberdéfense ? Combien d’effectifs seront concernés ?

Amiral Édouard GUILLAUD. Il y a un an, lorsque les chefs d’état-major vous ont confié être arrivés au bout de leurs possibilités en matière de réduction d’effectifs, et alors qu’il nous restait encore des postes à identifier, nous ne pouvions pas encore chiffrer toutes les conséquences de la mise en place des bases de défense. J’avais d’ailleurs dit publiquement que j’estimais les contrats de l’époque irréalistes. Depuis, les contrats ont changé, et l’on peut se permettre aujourd’hui de formuler un jugement différent. La situation varie selon les armées, dont certaines – comme la marine avec le plan Optimar 2000 – ont commencé leur restructuration en 1995, d’autres un peu plus tard, certaines plus récemment encore. Vous avez évoqué, monsieur Fromion, la disparition totale d’une brigade, jusqu’à ses unités de combat ; je me demande pour ma part si l’on ne pourrait pas travailler sur la structure organique de nos armées. La décision de l’armée de l’air de fusionner cet été le commandement des forces aériennes et le commandement de soutien se traduit par exemple mécaniquement par un gain de quelques centaines de postes – en général d’officiers ou de sous-officiers supérieurs. C’est donc bien notre façon de travailler que nous devons réexaminer sans tabous, sans hésiter à bousculer l’héritage des structures qui ont fait leurs preuves au cours de l’histoire. Je vous l’ai dit il y a deux ou trois ans, et je le pense encore : les bases de défense ont représenté une révolution pour l’armée de terre, car elles mettaient à mal l’autonomie régimentaire vieille de quatre siècles. C’est cette voie qu’il nous faut explorer pour réussir le dépyramidage – en espérant que cela suffira. Il n’est pas facile d’effectuer soi-même son analyse fonctionnelle ; aussi des objectifs ambitieux peuvent-ils nous servir d’aiguillon. Enfin – plus fondamental encore –, il nous faut également remettre en cause notre modèle de ressources humaines en déterminant comment recruter, pour combien de temps, avec quelle proportion de militaires de carrière. Ce modèle date d’avant 1995 – année de la fin de la conscription. Nous devons donc nous poser des questions, au risque de trouver des réponses inattendues. Cet exercice que nous démarrons – et que le ministre de la Défense suit avec beaucoup d’attention – promet de se révéler décapant ; toujours difficile et douloureuse, l’entreprise d’introspection l’est d’autant plus que notre institution vit une contraction et non une expansion. Si, comme les États-Unis, nous disposions d’un immense territoire, nous aurions pu aménager cinq grandes bases s’étendant sur des dizaines de milliers d’hectares ; mais la densité de la population ne s’élève pas aux États-Unis à 90 habitants au kilomètre carré. En somme, le dépyramidage doit passer par l’analyse fonctionnelle et la révision du modèle de ressources humaines. Ces choix n’ont rien d’agréable ; signe des temps, 120 élèves par an sont désormais admis à Saint-Cyr, contre 185 par le passé.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Les autres administrations civiles vous aideront-elles pour le reclassement des effectifs ?

Amiral Édouard GUILLAUD. Comme d’habitude, elles le promettent, mais ne le font pas. Lorsqu’un militaire veut changer de statut, les syndicats – pour les catégories B et C – ou les grands corps – pour la catégorie A – s’y opposent systématiquement.

M. Philippe FOLLIOT. Il s’agit d’une perte de compétences pour la Nation !

Amiral Édouard Guillaud. Remettre en cause la deuxième composante de la dissuasion nucléaire n’aurait entraîné quasiment aucune économie. Or c’est son budget qui paie, entre autres, onze des quatorze ravitailleurs en vol de l’armée de l’air française, qui ont notamment été utilisés pour Serval et Harmattan. Sans la deuxième composante, l’armée de l’air ne disposerait pas de brouilleurs efficaces sur ses avions, car c’est sur son budget qu’on en a payé la mise au point. Ainsi, s’il est vrai que la dissuasion représente 3,5 milliards d’euros au PLF 2014, cette somme sert à toute l’armée de l’air. De plus, les investissements actuels concernent la composante sous-marine. S’agissant des forces spéciales, je suis personnellement opposé à la création d’une unité supplémentaire. On ne peut pas à la fois densifier et créer de nouvelles structures ; mieux vaut en fortifier certaines qui existent déjà. Ainsi, le commando de marine Kieffer – dit commando technologique –, récemment créé, est actuellement le plus utilisé par les forces spéciales, ses compétences en électronique leur étant éminemment utiles. Plutôt que de transférer une unité, mieux vaut augmenter les effectifs de ce type. Enfin, en ce qui concerne la réserve citoyenne cyber – dont un député, M. Eduardo Rihan Cypel, fait partie –, nous avons repris cette idée aux pays baltes. Si elle semble rencontrer un succès, je reste prudent quant à sa mise en œuvre.

Audition du Général Denis MERCIER, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 8 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Dans le cadre des précédentes LPM et de la diminution qu’elles prévoyaient déjà, vos prédécesseurs nous ont dit qu’il s’agissait de la dernière. Vous nous dites à votre tour que c’est la dernière, je vous félicite donc d’aller au-delà de la dernière ! Je m’interroge sur l’avenir de l’aviation tactique. Il existe en effet des inquiétudes quant à la livraison de l’A400M, avion exceptionnel, car si l’armée de l’air a des missions qui lui sont propres, elle remplit également des missions pour d’autres armées, dont l’armée de terre. Je pense notamment aux capacités d’entraînement de nos forces parachutistes qui sont souvent bloquées par l’absence d’avion disponible. Pensez-vous que les moyens mis à disposition dans le cadre de la prochaine LPM permettront de remplir le contrat d’objectif de l’armée de terre en matière d’entraînement, notamment pour la 11e brigade parachutiste ?

Général Denis MERCIER. J’espère aussi que cette diminution sera la dernière ! Il n’y a toutefois pas que des diminutions, le nombre de drones va augmenter par exemple, ce dont je me félicite. En revanche, à mon sens, un socle est atteint pour l’aviation de combat. Il doit permettre de conserver une capacité opérationnelle réelle parallèlement à la montée en puissance du Rafale et de ses évolutions, dont le radar à antenne active qui équipe les deux appareils de série récemment réceptionnés et qui ouvre de grandes possibilités. L’aviation de combat aura été diminuée environ de moitié en deux LPM et il n’est pas possible d’aller plus loin sans un déclassement total vis-à-vis de nos homologues européens et de nos capacités actuelles. L’aviation de combat est en effet une capacité utile qui a été de toutes les opérations récentes. Vous avez raison pour ce qui concerne le transport tactique. Il souffre d’un déficit que la LPM commence à combler sans toutefois nous permettre d’atteindre le niveau requis pour remplir nos contrats opérationnels, en dépit des qualités de l’A400M, qui est bien supérieur au C160. Les parachutistes du général Ract-Madoux, qui me pose la question régulièrement, devront attendre 2014 pour sauter de l’A400M. C’est pourquoi nous disposons de vingt-sept Casa, dont huit ont été acquis lors de la précédente LPM. Il s’agit d’un appareil plus petit que le C160 qui nous permet de remplir des missions variées. Mais je souhaite être en mesure de faire sauter nos camarades de l’armée de terre de l’A400M le plus vite possible. L’aviation de transport tactique, dont la capacité s’améliore lentement, restera déficitaire de nombreuses années encore au regard des missions qui nous sont dévolues. Chaque armée a une structure différente. L’armée de l’air ne peut pas diminuer ses effectifs sans restructurations qui doivent faire l’objet d’une validation par le pouvoir politique qui prend en compte d’autres critères comme l’aménagement du territoire. Lorsque certaines de nos propositions ne sont pas acceptées, les effectifs correspondants doivent alors être défalqués des diminutions prévues. La répartition des diminutions d’effectifs va s’échelonner, si les restructurations sont acceptées, sur les cinq ans à venir. Nous recrutions autrefois 4 000 personnes par an pour autant de départs mais nous avons limité le nombre de recrutement à 2 000 au cours des cinq dernières années. L’armée de l’air est une armée de sous-officiers qui compte environ 52 % de sous-officiers, 13 % d’officiers, 11 % de civils et 24 % de militaires du rang. Cette répartition est appelée à rester relativement stable avec une diminution du nombre d’officiers.

Audition de l’amiral Bernard ROGEL, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 9 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. La France se croit continentale et européenne alors qu’elle est maritime et mondiale. Amiral, je doute de notre capacité à exercer juridiquement notre souveraineté à Tromelin et à assurer une présence autour de territoires comme les îles Éparses et l’île de Clipperton. Un bâtiment de la marine nationale se rendait tous les ans à Clipperton pour marquer notre souveraineté, mais la contraction des moyens devrait porter la fréquence de ce passage à deux ou trois ans. Pensez-vous que cela soit suffisant pour assurer notre souveraineté sur une ZEE dont la superficie s’élève à 450 000 km², alors que celle de la France métropolitaine n’est que de 345 000 km² ? Ce constat peut être étendu aux terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et au premier chef aux îles Éparses.

Amiral Bernard ROGEL. Monsieur FOLLIOT, s’agissant de Clipperton, nous avons un accord avec le Mexique pour les autorisations de pêche, mais il est vrai que la marine ne peut pas être partout.

Audition de Monsieur Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 9 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. M. le ministre et vous-même, monsieur le secrétaire général, vous nous soumettez au régime de la douche écossaise sur la question des cessions immobilières. D’un côté, le ministre m’assure que le ministère de la Défense n’est pas concerné par les règles en matière de cession des biens de l’État prévues par la loi Duflot relative à la mobilisation du foncier public. De l’autre, vous indiquez qu’en 2014 le ministère en sera dispensé afin de réussir à mobiliser les 200 millions d’euros de recettes exceptionnelles nécessaires à l’équilibre du budget, mais que, en 2015, une partie de l’îlot Saint-Germain sera réservée à des logements sociaux, ce qui entraînera une décote sur le prix de vente. Pouvez-vous estimer la moins-value pour le ministère de la Défense ? Où en est le chantier de Balard ? Quel est le calendrier et quel sera le coût final ? En 2015, date prévue pour la livraison des bâtiments, les services centraux seront confortablement installés dans un immeuble flambant neuf, tandis que, sur le terrain, les unités devront se contenter d’une certaine rusticité qui est la marque de fabrique de nos forces, comme nous avons pu le constater au Mali. La situation de certaines casernes, victimes d’années de sous-investissement, n’est pas acceptable. J’ai récemment visité, dans ma ville de Castres, le casernement du 8e RPIMa dans le quartier Fayolle : les logements des jeunes recrues datent des années cinquante et sont très éloignés des standards actuels de confort minimal. J’ai travaillé dans le logement social et je n’aurais jamais osé loger personne dans des bâtiments aussi vétustes. À cet égard, il est essentiel de préserver le plan VIVIEN qui a pris beaucoup trop de retard.

Madame la présidente Patricia ADAM. Je partage le constat de Monsieur FOLLIOT sur la vétusté de certains bâtiments. Quelle que soit notre tendance politique, nous pouvons tous témoigner de ce problème dont les rapports de la commission se font régulièrement l’écho. Il ressort de deux avis publiés au Journal officiel le 9 octobre que les travaux du chantier de Balard ont nécessité de conclure des avenants au contrat de partenariat qui se traduisent par des moins-values et par un report de la date de mise à disposition des ouvrages. La commission de la Défense souhaite vivement se rendre sur le site Balard.

Monsieur Jean-Paul BODIN. Il va de soi qu’une visite de Balard peut être organisée. Cette visite est intéressante à double titre : elle permet de mesurer l’ampleur de l’investissement et d’imaginer les futures conditions de travail qui sont sans comparaison avec celles que nous connaissons. Le risque, Monsieur FOLLIOT l’a souligné, est de créer une importante distorsion entre Paris et la province, l’administration centrale s’installant dans des locaux neufs et fonctionnant bien, ce qui ne peut pas être le cas pour l’ensemble des unités dépendant du ministère. Les deux avis publiés au Journal officiel sont le fruit de six mois de négociations pas toujours faciles avec le groupement OPALE Défense SAS. Les discussions ont porté sur plusieurs problèmes qui sont apparus au cours des travaux. Le groupement voulait faire prendre en charge par le ministère de la Défense les travaux supplémentaires que nécessitait la découverte d’amiante dans certains bâtiments détruits de la parcelle est. Au terme du compromis, le ministère finance uniquement les travaux lorsque la présence d’amiante était absolument indétectable à l’origine. En second lieu, nous avons été confrontés à des problèmes de dépollution des sols sur la parcelle ouest. Des travaux de cette nature avaient déjà été réalisés, mais l’implantation du pôle opérationnel a révélé la présence de pollutions supplémentaires en profondeur, dont la prise en charge entraîne des dépenses nouvelles. Enfin, nous avons revu nos demandes en matière de systèmes d’information et de communication. Le point le plus délicat du projet de Balard n’est pas le bâtiment, mais la construction du système d’information et de communication. Cette mission a été confiée à Thales. Des discussions ont été menées avec la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la Défense pour déterminer ce qu’elle prenait à sa charge et ce qui relevait de Thales. Le ministère a par ailleurs posé des exigences supplémentaires pour les salles blanches, qui regroupent l’ensemble des serveurs, et cela a occasionné un surcoût à sa charge. Les discussions ont donc porté sur le calendrier de livraison et le coût des dépenses supplémentaires. Le ministère a fixé le principe selon lequel l’avenant reprenant l’ensemble des points discutés ne serait signé que si les taux d’emprunt étaient cristallisés – cela peut faire gagner quelques dizaines de millions d’euros. Le groupement considérait pour sa part que la question de l’avenant devait être réglée avant de commencer la discussion sur les taux. Il était de l’intérêt du ministère de lier les deux éléments compte tenu de l’augmentation douce, mais réelle des taux depuis plusieurs mois.

Madame la présidente Patricia ADAM. Quels sont les taux actuels ?

Monsieur Jean-Paul BODIN. Il m’est difficile de vous les communiquer. La cristallisation a lieu demain. Je préfère répondre à votre question à partir de vendredi, une fois la négociation terminée. Les discussions sur les coûts supplémentaires du chantier ont été longues et difficiles. Finalement, le montant devrait avoisiner les 40 millions. Le calendrier initial prévoyait une livraison en octobre 2014. Cette date a été reportée à cause des imprévus que je viens d’évoquer. La livraison de la partie neuve, la parcelle Ouest, devrait intervenir le 28 février 2015 et celle des bâtiments rénovés, la parcelle Est, à partir de la fin avril. Cela représente un décalage de quatre à cinq mois, qui est faible compte tenu de l’ampleur du chantier. Le gros œuvre devrait être terminé fin novembre. Je vous propose de venir visiter les lieux à partir de cette date. Le calendrier devrait être respecté, sauf si des problèmes apparaissaient pour le système d’information et de communication et l’installation des salles blanches. Le SGA et les états-majors devraient déménager entre le mois de mars et l’été 2015. La DGA souhaite que le déménagement concerne l’ensemble de ses services. Il pourrait donc avoir lieu à l’automne, ce qui ne pose pas de problème puisque le bail pour leurs locaux à Bagneux court jusqu’à la fin de l’année. Tous les services centraux seront donc installés à Balard au plus tard en octobre 2015, et au mieux en juillet. L’avenant a fait l’objet d’une publication au Journal officiel à la demande des prêteurs afin de consolider les taux. Cette question a fait partie des discussions qui auront mobilisé pendant plusieurs mois la direction des affaires juridiques, la direction des affaires financières et la délégation pour le regroupement des états-majors et des services centraux de la défense (DRESD). La moins-value que vous avez évoquée est le résultat d’une année de négociations sur les prestations de service fournies par le groupement pendant la durée du chantier. En reprenant tous les éléments, nous sommes parvenus à diminuer la dépense pour le ministère. Les crédits consacrés à l’action sociale augmentent dans le budget 2014. En 2013, ils avaient baissé dans le projet de loi de finances initiale. Cependant, le budget exécuté ne correspond pas à l’enveloppe qui avait été votée. Pour tenir compte du vote négatif des représentants du personnel civil et militaire sur le budget que nous leur avions présenté, des crédits supplémentaires ont en effet été dégagés pour atteindre 93 millions d’euros, soit le montant dépensé en 2012 et celui prévu pour 2014. Dans le cadre des relations avec les partenaires sociaux, nous avons engagé des discussions sur la tarification de l’IGESA, l’opérateur social du ministère qui gère les colonies et les centres de vacances. Chacun a convenu que celle-ci pouvait être revue à la hausse tout en établissant des critères sociaux, afin de faire payer davantage les catégories les plus favorisées. À peine un tiers du coût d’un séjour dans un centre de vacances est à la charge des familles. Nous pouvons probablement réajuster la tarification sans perdre la vocation sociale de l’IGESA. Nous espérons poursuivre notre politique en faveur de l’accueil des travailleurs handicapés. Ce sont souvent des personnels militaires reclassés, mais aussi des personnels civils. Le taux d’emploi des travailleurs handicapés est satisfaisant, grâce à une politique constante, une structure dédiée au sein de la direction des ressources humaines et un accompagnement individualisé des personnels. En matière de logements sociaux, le ministère de la Défense n’est pas exonéré de l’application de la loi. À Paris, France Domaine et la Défense ont engagé des discussions avec la municipalité afin que les obligations de logement social ne pèsent pas sur l’ensemble des immeubles. Nous avons examiné pour chaque site comment appliquer la loi. Pour la Pépinière, nous avons réussi à faire porter l’obligation par un autre immeuble de l’État. En revanche, pour l’îlot Saint-Germain, compte tenu de la taille du site, il est vraisemblable qu’il comportera des bureaux et des logements, et donc des logements sociaux. Il est impossible, à ce stade, d’estimer la moins-value qui en résultera, car il n’existe pas, à ce jour, de repreneur. Ce site ne peut intéresser qu’un investisseur très solide, car tout est à refaire pour être aux normes en matière de bureaux. Compte tenu des travaux très lourds à prévoir, il sera probablement cédé à un groupement d’investisseurs. Pour les autres immeubles, des investisseurs se sont manifestés, mais vous comprendrez que je ne puisse pas donner de montants. Nous espérons que les offres correspondront à nos estimations du produit de cession. Nous lançons un appel d’offres pour le site de Belllechasse-Penthemont qui représente environ 7 000 m2 – il comporte les bâtiments de la cour de l’hôtel du ministre, mais aussi un hôtel particulier rue de Grenelle et un autre à l’angle de la rue de Grenelle et de la rue de Bellechasse. Après avoir envisagé de le vendre par lots, nous avons décidé de vendre l’ensemble. Nous allons observer les réactions du marché. Le site de Saint-Thomas-d’Aquin représente quant à lui de l’ordre de 9 000 m2. Sur le terrain, la priorité que nous a assignée le ministre est la poursuite des investissements liés à la condition des personnels, donc du plan VIVIEN. Je peux vous transmettre par écrit les crédits prévus à cet effet de manière détaillée par la LPM.

Audition de Monsieur Jacques FEYTIS, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014, le 15 octobre 2013.

Monsieur Philippe FOLLIOT. Monsieur le directeur, votre fonction est très importante, mais difficile, car, avec ces 34 000 suppressions d’emploi, vous allez devoir gérer le plus grand plan social de ces prochaines années. Il fait suite à un autre plan qui avait concerné 44 000 emplois. Derrière les chiffres, il y a des réalités humaines avec des fermetures de bases, de régiments et de services dans les territoires. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’accompagnement ? Lors d’une précédente audition, il a été indiqué que d’autres administrations – intérieur, justice – pourraient embaucher des officiers. Qu’en est-il de ces passerelles ? Que faut-il faire pour que ces administrations embauchent nos officiers, qui ont de grandes qualités ? Vous avez indiqué que 1 000 emplois seraient supprimés dans les forces prépositionnées et les forces de souveraineté. Combien seront supprimés pour chacune d’elles ? J’insiste sur l’importance des forces de souveraineté, qui constituent un signal politique fort de notre volonté d’assumer nos fonctions de défense dans les territoires ultramarins.

Monsieur Jacques FEYTIS. Ma mission est difficile, mais j’ai servi à Castres dans un très bon régiment, et j’ai été bien formé. (Sourires.). J’ai largement présenté les mesures d’accompagnement. S’agissant des passerelles avec les autres administrations, les trois ministères dits prioritaires le sont uniquement sur leur cœur de métier. Le ministère de l’Intérieur est prioritaire pour recruter des policiers et des gendarmes, mais pas dans le domaine qui pourrait correspondre aux compétences de nos militaires. Il doit mener des déflations dans les préfectures. Peut-être pourrions-nous y placer des officiers et des sous-officiers, mais c’est au ministère de l’intérieur de dire quels sont ses besoins. Comme je l’ai dit à ma collègue de l’Éducation nationale, les militaires pourraient très bien être embauchés dans son ministère. Elle a besoin de recruter des enseignants, mais nous en aurons peu à proposer – certains militaires sont titulaires d’un master, mais ils sont peu nombreux. En revanche, je pourrai lui proposer des cadres supérieurs ou intermédiaires dans la gestion et l’encadrement, mais sa priorité n’est pas là, car elle doit également soutenir des efforts de restructuration. Quant au ministère de la Justice, il a besoin de gardiens de prison, mais je ne peux que constater que peu de candidats se présentent pour ce métier Bref, il n’est pas évident de trouver des volumes significatifs dans les autres ministères. Ce travail est délicat. Je consulte inlassablement mes homologues pour leur faire part des qualités de nos militaires. Je ne suis pas compétent pour vous répondre sur la répartition de l’effort entre forces prépositionnées et forces de souveraineté. Les analyses en cours aboutiront à la fin de l’année, et je ne peux pas me permettre de porter une appréciation : ce sont les employeurs qui définissent leurs besoins. Plus on donne de compétences au DRH pour coordonner la fonction RH, plus il doit veiller à rester à sa place et ne pas vouloir jouer se substituer aux employeurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe FOLLIOT très actif lors des auditions de la commission de la défense 2/2