Pérégrinations autour d’un mot : RESILIENCE

| 15 AVR. 2020 |

Lors de son allocution à Mulhouse, le 25 mars 2020, le Président de la République a lancé l’opération « Résilience », qui constitue la contribution de nos armées à l’engagement gouvernemental pour lutter contre la propagation du Covid-19. En accord avec la doctrine dite des « 4i », nos militaires interviennent si les moyens civils similaires sont inexistants, indisponibles, inadaptés, – ce qui en l’occurrence n’est pas le cas – mais insuffisants face au caractère exceptionnel de cette crise qui implique des moyens et des mesures elles aussi exceptionnelles. Aujourd’hui, l’ensemble des armées sont ainsi mobilisées au service des Français dans ce domaine, comme elles le sont déjà dans la lutte contre le terrorisme avec l’opération « Sentinelle ».

Hormis pour la perte de militaires en OPEX ou d’attentats sur le sol national, ce terme de résilience, largement répandu en psychologie pour caractériser la reconstruction individuelle après un traumatisme, était abordé avec encore beaucoup de timidité par les acteurs publics dans des domaines plus étendus – territorial, infrastructurel, économique, sanitaire, etc. – amenés à « retrouver un fonctionnement normal le plus rapidement possible après une période de tension extrême ».

Au-delà de l’aspect pratique et logistique, ce nom ayant été choisi dans un but de cohésion entre les militaires affectés à cette mission et la Nation, ce terme de résilience est avant tout symbolique : il traduit la volonté de montrer que l’État utilise tous les moyens possibles pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 et pour faire fonctionner le pays correctement.

C’est son acception d’« opérationnalité » qui a ainsi prévalu, telle qu’elle a été introduite et reconnue dès 1994 dans le « Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale » (LBDSN). Selon ce dernier, « La cohésion nationale […] est une condition essentielle de la défense. La puissance provient moins de l’étendue du territoire national que de l’organisation sociale, de l’éducation des hommes, de leur solidarité et des valeurs qui les lient. En ce sens, la défense est indissociable de l’idée de nation. Elle concerne donc à la fois le modèle français d’intégration et d’organisation sociale, les valeurs communes de la République, leur vocation universelle et le rayonnement de la langue. » (Livre blanc 1994, 28).

Dans la situation de crise que nous traversons, le collectif doit donc prendre le pas sur l’individuel, comme en cas de conflit où pour aller à la victoire, l’effort de guerre doit être partagé par tous. Les décisions politiques seules ne pourront enrayer l’épidémie, ceci incombe à chaque citoyen que nous sommes, par le respect des mesures de précaution…

« Résilience » veut également marquer le tournant institutionnel de la communication gouvernementale. La fabrication de la résilience consiste à développer une culture de la sécurité en diffusant de manière sélective les bonnes pratiques auprès de la population. Les mesures mises en place impliquent une population vigilante, alertée, à qui l’on demande de résister aux tentations extrêmes : « Le citoyen, c’est celui qui participe de son plein gré à la vie de la cité. » (Régis DEBRAY, La République expliquée à ma fille)

Souhaitons que nous ayons tous la même aspiration citoyenne. Soyons conscients de l’urgence de la situation mais surtout de la nécessité d’édifier ou réédifier le jour d’après. Faisons consensus autour du bien commun, érigeons-le au-dessus de nos intérêts personnels. Ce ne sera pas un choix mais un impératif afin de ne pas fragiliser notre vie collective.

Quand la Nation devra se remettre à vivre normalement, quand elle sera capable de repartir au niveau économique, social, démocratique, chacun devra tenir son arme citoyenne. Après la crise que nous vivons, plus rien ne sera comme avant, et rien de mieux qu’une analyse sérieuse, sereine, sans complaisance mais lucide du passé et du présent pour se tourner vers ce futur que nous devons créer avec dynamisme, volonté et conviction.

Une transformation profonde et multisectorielle de notre modèle sociétal devra être opérée. La résilience affectera en effet tous les champs d’actions de notre société : éducation, économie, industriel, culture, écologie, social, territorial ; mais aussi et surtout notre sens du vivre ensemble, sans parler de notre capacité à maintenir notre effort de défense pour sauvegarder et promouvoir notre modèle de société démocratique.

Nous devrons fournir plus d’efforts encore après la crise présente, aussi je veux croire que cette épreuve collective révélera notre force conjointe, notre capacité incroyable à répondre au défi du jour d’après !

Amitiés,
Philippe FOLLIOT

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