Les leçons d’une tragédie grecque

Édito de la lettre d’information n°102 du 4 novembre 2011

Les plus grands auteurs classiques de l’Antiquité comme les cinéphiles du festival cannois n’auraient pas renié la tragédie grecque à laquelle nous avons assisté cette semaine, tant cette dernière a été riche en coups de théâtre et en rebondissements.

La Grèce n’est ici que le révélateur, le symbole, pour ne pas dire la caricature d’une Europe en mal de repères, et qui risque d’être totalement dépassée, voire déclassée par les pays émergents. Et ce plus rapidement que l’on ne pense. Je dis depuis longtemps que la dette est le cancer de la France et d’une Europe malades de leurs déficits chroniques. Elles n’ont eu ni le courage, ni la volonté de réduire leurs dépenses. Lorsque vous vivez au-dessus de vos moyens pendant des années, vient le temps de la facture. Cette dernière sera lourde et le passage à la caisse douloureux. Et lorsqu’on voit en parallèle le montant de notre déficit commercial (80 milliards d’euros sur l’année), force est de constater que l’on va dans le mur. En effet, on ne peut durablement, et dans de telles proportions, importer plus que l’on exporte, ni consommer plus que l’on produit.

La baisse des charges sociales, qui a été amorcée cette semaine dans l’agriculture, est un élément indispensable pour redonner des marges de compétitivité à notre industrie et pour relocaliser certaines de nos productions. Sur ce dossier, nous centristes avons toujours été en pointe, et l’on remarque avec satisfaction que sur ces sujets les lignes bougent. Ainsi, F. Hollande et N. Sarkozy reprennent par exemple à leur compte l’idée d’une contribution sociale basée sur la consommation.

De manière plus globale, ce qui se passe sous nos yeux c’est, si nous n’y prenons pas garde, la prise de pouvoir sur les affaires du monde par les pays émergents en général, et de la Chine en particulier. L’équation est simple : quand un Français, ou Européen, ou Américain, gagne 10 il en dépense 11. Quand un Chinois gagne 2 il en dépense 1 et en épargne l’autre moitié. Épargne qui est alors prêtée au Français qui peut ainsi consommer plus qu’il ne gagne. Peut-on rester encore longtemps maître de notre destin en fonctionnant de la sorte ?

L’idéogramme chinois du mot CRISE est « DANGER » et « OPPORTUNITE ». En nous prêtant de l’argent pour sauver l’euro, Hu Jintao ne le fait ni par philanthropie ni par esprit de solidarité. Il souhaite simplement que l’Europe devienne son obligée afin que l’on accorde à la Chine le statut d’économie de marché au sein de l’OMC. Elle pourrait ainsi exporter davantage vers l’Europe, ce qui signifierait alors plus de déficit commercial, davantage de chômage et plus de dette pour les pays européens. En réalité les communistes chinois ont parfaitement compris la perversité de notre système et ont bien retenu les leçons du mot CRISE. En définitive, le DANGER c’est pour nous, les OPPORTUNITÉS sont pour eux.

 

Amitiés,

Philippe Folliot.

Les leçons d’une tragédie grecque