Le couple franco-allemand à l’épreuve ?

| 4 AVR. 2019 |

Les élections du 26 mai prochain seront cruciales pour l’avenir de l’Europe.

Dans un monde toujours aussi instable et dangereux, avec une concurrence exacerbée marquée par la rivalité croissante des deux géants américains et chinois, seule une Europe unie et solidaire pourra faire face.

En préférant l’élargissement à l’approfondissement, l’Union européenne est devenue un colosse aux pieds d’argiles. Rongée par les populismes et nationalismes qui entretiennent les divisions, devant l’obligation de se réformer pour renaître, l’Europe est, aujourd’hui, à la croisée des chemins. A l’heure d’un interminable Brexit qui agace tout le monde, « le couple » franco-allemand doit plus que jamais être la pierre angulaire de l’Union.

Pour autant, celui-ci ne pourra prospérer que s’il est équilibré. Or, force est de constater que sur un plan économique, industriel et financier, la puissance de l’Allemagne est écrasante et que, même dans les secteurs agricoles et agroalimentaire, autrefois notre « chasse gardée », elle nous dépasse. Le sens de la courageuse politique budgétaire, économique et sociale du Président de la République Emmanuel MACRON et du Gouvernement, que nous soutenons, est de redonner des marges de compétitivité à nos entreprises, résorber les déficits publics de la France (le budget allemand est lui excédentaire !!!) afin de corriger les écarts avec nos partenaires en général et nos amis allemands en particulier.

Seule notre politique de défense de fait rééquilibre aujourd’hui ce couple, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les règles d’engagement ne sont pas les mêmes : longues, difficiles et très strictes pour nos amis allemands ; rapides, simples et ouvertes pour la France. Le Président de la République, chef des armées, peut engager une intervention en quelques heures (comme pour l’opération Serval au Mali en janvier 2013).

Au-delà, par l’aguerrissement des troupes, nos militaires, contrairement à leurs homologues d’outre-Rhin, ont une culture de l’engagement, une capacité de projection et une expérience sans pareille des combats à haute intensité, que nous sommes désormais les seuls, au sein de l’Alliance atlantique, à vraiment maîtriser à un certain niveau avec les américains.

De plus, les modalités d’exportation des armes sont aussi très différentes, souples ici, restrictives là-bas, ce qui ne manque pas d’interpeller et de poser des difficultés à l’heure où l’on essaie de faire émerger des champions européens de l’industrie de Défense.

Là où le bât blesse et où il faut dire les choses, c’est face à la volonté de certains officiels allemands d’européaniser le poste qu’occupe la France au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ceci est une fausse et dangereuse « bonne idée » et ce à plusieurs titres.

Elle est problématique car cela rendrait notre représentation à l’ONU inefficace dans le cadre actuel. En effet, notre politique étrangère est loin d’être commune et notre défense loin d’être intégrée.

Elle est contre-productive car être membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies implique le droit de disposer de l’arme nucléaire. Or, la dissuasion ne se partage pas…. Nous n’appuierions pas à deux sur un bouton !

Elle est dangereuse car elle entraînerait un tel déséquilibre dans « le couple » franco-allemand que ce serait catastrophique non seulement pour la France mais pour l’Europe et donc in fine isolerait la toute puissante Allemagne.

Si la question de l’accession de l’Allemagne, comme celle du Brésil, de l’Inde, du Japon… en qualité de membres permanents d’un Conseil de Sécurité refondé est légitime, cette proposition de poste européanisé dans la configuration actuelle est fâcheuse car une telle évolution ne saurait être que l’aboutissement et non le commencement d’un très long processus visant à avoir une diplomatie et une défense commune et européenne, ce qui est loin d’être aujourd’hui le cas.

La première fois que cette question a été quasi officiellement abordée, c’est, par l’Ambassadeur de l’Allemagne aux Nations Unies, lors de notre visite de l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN à New York du mois d’octobre 2018. J’avais attiré l’attention des autorités Françaises à ce moment-là. Depuis, cette demande a été reprise y compris au niveau ministériel. Être alliés et aussi amis implique de se dire les choses, et, lors de notre récent déplacement en Allemagne, j’ai redis, à la Ministre allemande de la défense et à mes homologues, notre opposition, car il en va de la sauvegarde de l’équilibre de l’Europe et de notre volonté commune de la faire … renaître !

Amitiés.

Philippe FOLLIOT.

Le couple franco-allemand à l’épreuve ?