Le bonjour de l’oncle Sam !

Le bonjour de l’oncle Sam !

« L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve je le saurai », ce refrain de la chanson populaire de Joe Dassin ne veut pas dire grand chose aux plus jeunes d’entre nous. De retour du forum annuel transatlantique de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN qui vient de se dérouler à Washington, bien loin d’un quelconque rêve, nous avons assisté à d’intéressantes conférences de la part de spécialistes aussi divers que variés, disruptifs rarement, langue de bois trop souvent, sûrs d’eux assurément.

Les États-Unis étalent leur puissance, leur force, certains diraient leur arrogance et comme le président Macron l’a fait une semaine avant nous pour sa visite d’État quand il a fort justement critiqué la loi de fait protectionniste dite « Inflation Reduction Act », c’est un peu de leur part en réponse un « cause toujours tu m’intéresses ». L’Amérique, championne, du libre-échange par les mots, pour se protéger de ses maux elle sait faire, quand elle considère que ses intérêts majeurs, pour ne pas dire vitaux sont en jeu, du plus pragmatique des …protectionnismes. Si on peut clairement se satisfaire après la terrible parenthèse Trump de la volonté étatsunienne d’assumer enfin ses responsabilités et de prendre des mesures significatives face aux enjeux essentiels du réchauffement climatique, pour autant, nous ne devons pas être naïfs pour ne pas voir le « deux poids deux mesures » de cette loi qui fera qu’au delà de l’avantage concurrentiel d’une énergie peu chère aucune voiture électrique fabriquée en Europe ne pourra rouler aux États-Unis contrairement aux japonaises et coréennes qui elles pourront y être exportées. Derrière cette « mesure commerciale » se dessine avant toute chose un enjeu « géostratégique ». En effet, l’Amérique considère qu’avec la guerre en Ukraine, la Russie sera durablement affaiblie et donc maintenant elle va de plus en plus se tourner contre ce rival stratégique et endémique qu’est la Chine, en s’appuyant sur ses alliés historiques, le Japon et la Corée du Sud… « Bye bye l’Atlantique, bonjour le Pacifique » pourraient caricaturer certains mais c’est plus compliqué que cela.

          Soyons clairs, sans l’aide massive des États-Unis, Poutine serait certainement aujourd’hui à Kiev, et c’est la puissance de feu et le nombre des armes étatsuniennes qui a, pour beaucoup, permis à l’Ukraine de se sauver, tout comme l’extraordinaire volonté de tout un peuple derrière son président civil qui s’est métamorphosé en brillant chef de guerre. Comme le disait Thucydide, l’auteur de La guerre du Péloponnèse relatant l’affrontement entre la démocratie athénienne et la tyrannique Sparte, « la force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens ». Les Ukrainiens ont reçu des armes mais ils ont aussi et surtout démontré un formidable caractère.

          Pour autant, « business is business » comme disent nos alliés outre-Atlantique, et les ventes massives d’armes « sur étagère » (au détriment de l’industrie européenne) qu’ils vont faire aux pays d’Europe du Nord et de l’Est notamment, leur permettront de récupérer la mise, l’investissement fait en Ukraine, plus vite qu’on ne le croit. L’indéniable soutien à un peuple martyr agressé, la volonté d’en faire un symbole pour ne pas dire un rempart de la défense de nos valeurs de démocratie et de liberté contre la dictature ne sauraient nous empêcher de voir le reste. La victime de tout cela in fine risque d’être l’Union européenne, qui a perdu ses dernières illusions quant à sa capacité d’assurer sa défense de manière autonome, concept porté du reste quasi-exclusivement par la France. Elle risque in fine d’être l’enjeu économique et commercial pour ne pas dire l’exutoire du choc des titans sino-américains qui se dessine. Pour autant, la Chine n’est pas aussi monolithique et forte qu’on ne le croit, comme en attestent les dernières manifestations contre la rejetée politique du zéro COVID et ses funestes conséquence économiques, sociales et sociétales. Même si elle est plus discrète, l’Inde ne manquera pas de potentialités pour demain jouer un rôle majeur ouvrant ainsi plus encore le jeu des grandes puissances sans parler de « quand l’Afrique se réveillera… »

          Le monde est instable, compliqué, multipolaire. Mais il doit faire face pour autant à des enjeux communs, climatiques notamment. Ceux-ci devront avoir des réponses collectives, ainsi, heureusement, Américains et Chinois gardent toujours ouvert des créneaux de discussion et négociation sur ces sujets vitaux… Les États-Unis sont nos alliés, j’irai plus loin, ils sont historiquement nos amis, et chaque fois que de besoin, et surtout dans les moments cruciaux et difficiles de l’Histoire , notamment pour leur indépendance, comme lors des deux dernières guerres mondiales, nous nous sommes toujours trouvés pas seulement cotes à côtes, mais fraternellement main dans la main. Pour autant, amitié n’est pas synonyme de naïveté, amitié n’est pas synonyme de cécité, amitié n’est pas synonyme d’exclusivité… « et, tonton, pourquoi tu tousses ! ».

Amitiés,

Philippe Folliot.

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