Daech : frappes aériennes, et après ?

Lettre d’information n°138 du vendredi 26 septembre 2014

La nature du groupe Daech n’est comparable à nulle autre de par l’indicible horreur des actes commis. Nous avons tous été révoltés par le lâche assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel, crime qui mérite un châtiment exemplaire. La nation rassemblée doit se réunir pour dénoncer de telles barbaries. Ces terroristes djihadistes puissamment armés sont aux antipodes de nos valeurs, un totalitarisme sanguinaire sans aucun respect pour la vie humaine, qui n’a d’égal que le nazisme ou le stalinisme avec perversion de la religion musulmane.

Nos démocraties, mais aussi le monde entier, ne peuvent rester les bras croisés, et c’est pour cela que je soutiens l’intervention française en Irak car en ces moments nous avons besoin d’unité pour marquer notre fermeté.

Pour autant, ne nous y trompons pas – et il faut avoir l’honnêteté et le courage de le dire – les seules frappes aériennes ne sauraient suffire à résoudre le problème car pour éradiquer définitivement Daech il faudra des troupes au sol. Rappelons-nous le fâcheux précédent libyen : on constate que faute d’intervention de stabilisation au sol, nous avons aujourd’hui une anarchie sans nom. L’armée irakienne étant en déroute, les peshmergas kurdes en nombre insuffisant, ni équipés, ni entraînés, qui restera-t-il pour faire ce travail ? La coalition en aura-t-elle la volonté et les moyens, l’ONU donnera-t-elle son aval et, dans ce cas, quelle sera la position de la Chine et de la Russie ? Va-t-on se tourner vers Bachar El Assad, ami d’hier, ennemi d’aujourd’hui mais qui retrouve quelques couleurs car on trouve pire que lui ? Vers l’Iran, autre régime honni qui s’ouvre petit à petit et qui peut-être cherchera à profiter de l’occasion pour retrouver sa place de leader régional tout en ayant en mémoire la terrible guerre Iran-Irak des années 90 ? Vers les riches monarchies pétrolières du Golfe… ?

En fait, nous voyons que dans tout cela nous avons un problème par rapport au temps, et que dans nos actions trop souvent guidées par des considérations émotionnelles instantanées, nous manquons singulièrement de profondeur historique et géostratégique. Mon propos n’est point de regretter les terribles Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi mais force est de constater que ceux qui tentent de prendre la suite sont pires. C’est là que la « stabilité » de l’Egypte prend encore plus de relief, autour d’un Président Al Sissi pacificateur mais ouvert, qui a su surmonter la transition islamiste sans sombrer dans les affres de l’affrontement et de la guerre civile. La profondeur stratégique consiste à ne pas oublier les fondamentaux historiques : France « protectrice » des chrétiens d’Orient depuis le XIVe siècle, politique équilibrée dans le conflit israélo-palestinien, indépendance stratégique gaullienne vis-à-vis des États-Unis et ouverture vers les non-alignés…

A force d’oublier cela, on risque de se prendre les pieds dans… le tapis d’Orient !

 

Amitiés,

Philippe FOLLIOT

Daech : frappes aériennes, et après ?