Voyage en Israël, Philippe Folliot raconte…

En 2025, le Sénateur Philippe Folliot s’est rendu, accompagné par l’IHEMR (Institut des Hautes Etudes du Monde Religieux), en terre sainte pour visiter le terreaux des trois grandes religions monothéistes. Il revient sur ses visites et ses rencontres à travers un récit chronologique de son déplacement :

« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples » relate le Général de Gaulle dans ses Mémoires, alors qu’il se rendait en 1942 au Liban. De « l’Orient compliqué », je reviens avec une vision contrastée. Cela peut paraître paradoxal quand après plus d’une vingtaine d’années d’exercice d’un mandat parlementaire je ne sois jamais allé en Terre Sainte. Il est vrai que par le passé j’avais eu quelques sollicitations émanant d’organisations paragouvernementales israéliennes, mais, finalement, j’attendais d’avoir l’opportunité de pouvoir m’y rendre avec un cadre plus neutre, plus équilibré. Le fait de pouvoir m’y rendre avec l’IHEMR (l’Institut des Hautes Études du Monde Religieux), a été la positive occasion de pouvoir aller sur cette terre sainte, si ce n’est berceau de civilisation, terreau des trois grandes religions monothéistes. J’éprouve une grande gratitude pour les organisateurs, au premier chef Xavier Guézou (Secrétaire général de l’IHEMR) et son équipe, de nous avoir concocté un programme à la fois équilibré et diversifié. Je remercie l’ensemble de la délégation pour sa gentillesse et sa bienveillance, et plus particulièrement mon collègue et ami député de la Haute-Garonne Jean-François Portarrieu.

À l’université de la capitale Tel Aviv, rencontre avec Denis CHARBIT, spécialiste du sionisme et professeur de sciences politiques à la Faculté des Sciences humaines de l’Open University d’Israël (Raanana). Il est également titulaire d’un doctorat de l’Université de Tel Aviv. C’est un fin connaisseur de la société Israélienne contemporaine qui avec tact a su attirer notre attention sur la grande complexité des choses. Il a insisté sur le fait que l’image d’unité qu’elle essaye de renvoyer ne correspond pas à la réalité d’une société réellement fragmentée, tant sur un plan politique et religieux. Le paradoxe est que la démocratie israélienne est très vivante mais que la notion de « vivre ensemble » revêt des réalités qui s’apparentent plus à un « vivre côte-à-côte ». Même si le traumatisme des attaques du 7 octobre 2023 est encore très prégnant, la question des otages et de leur devenir est une ligne de fracture visible, le devenir de la question palestinienne et des actions menées contre le Hamas avec les innombrables victimes civiles est aussi une ligne de fracture invisible.

Toujours à Tel Aviv, rencontre avec Son Excellence M. Frédéric JOURNÈS, ambassadeur de France en Israël. Diplomate de carrière, il a auparavant été en poste en Suisse et au Liechtenstein. Ancien élève de l’ENA, il a aussi travaillé dans les domaines de la défense et de l’énergie. En 2023, Frédéric Journès est nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République française auprès de l’État d’Israël. Sans notes, de manière très pédagogique, il nous a dressé un tableau très complet et instructif de sa vision de l’état de la société israélienne mais aussi et surtout apporter un éclairage particulièrement intéressant sur les relations franco-israéliennes.

Après une nuit à notre hébergement auprès des soeurs dominicaines à Jérusalem, le lendemain matin, ce fut un passage ensoleillé dans l’une des plus anciennes villes du monde, Jericho, avec découverte des fouilles archéologiques du mont de la Quarantaine, le « sycomore de Zachée ».

Ensuite une visite de Qumrân, ancien site essénien, proches des grottes où furent découverts les manuscrits dits « de la Mer Morte ». La découverte majeure de Qumrân est le Grand Rouleau d’Isaïe. C’est le plus ancien manuscrit hébreu complet connu d’un livre biblique : le Livre d’Isaïe.

La custodie franciscaine de Terre Sainte à Jérusalem fondée en 1342 est présente depuis sans aucune interruption sur ce territoire. Cette continuité est unique. Elle assure la prière catholique sur les lieux saints, le service des chrétiens locaux et l’accueil des pèlerins. L’actuel custode est le frère Francesco Patton. Elle a été l’occasion pour nous de cerner la complexité des relations entre les différentes églises chrétiennes pour l’accueil des pélerins et la gestion des lieux saints.

Nous nous sommes rendus au Consulat où nous avons rencontré le consul général de France à Jérusalem, M. Nicolas Kassianides, et la conseillère pour les affaires religieuses Mme Manuela Affejee. La circonscription du Consulat général de France à Jérusalem comprend Jérusalem et les territoires occupés par Israël depuis 1967 (Cisjordanie, bande de Gaza) et relève directement de Paris. Le consulat continue à assumer un rôle de protection des communautés religieuses sur son territoire. Même s’il n’a pas rang d’ambassade, de ce magnifique bâtiment avec de très beaux jardins et vue imprenable sur la vielle ville, c’est le « navire amiral » de la présence française à Jérusalem. Avec tact et finesse, le consul général nous a brossé le tableau des actions qui étaient les siennes pour faire entendre la voix de notre pays dans cette mosaïque de nationalités et de religions qu’est la ville Sainte. Plus tard, la rencontre avec Thibault Lefèvre, correspondant permanent de Radio France à Jérusalem, journaliste à France Inter depuis 2011, a été l’occasion d’avoir la vision d’un praticien de terrain, qui nous a notamment relaté dans le détail sa journée du 7 octobre 2023, des heures et semaines qui ont suivi, avec la difficulté qui fut la sienne d’avoir cette capacité à traiter des informations sans se laisser enfermer dans le carcan quelque peu orienté de l’efficace stratégie officielle de communication de l’armée isráelienne.

La rencontre avec Mgr William SHOMALI était particulièrement intéressante. Nommé chancelier du Patriarcat latin de Jérusalem en 2009, il sera nommé l’année suivante par le pape Benoît XVI évêque auxiliaire dans le Patriarcat latin de Jérusalem. En 2021, il est nommé vicaire patriarcal à Jérusalem et en Palestine. Savoureux et subtil, dans un français plus que parfait, il a tâché de nous expliquer toutes les subtilités de la présence catholique en Terre Sainte. Si le nouveau Pape Léon XIV veut construire des ponts, la réalité israélienne est celle de murs, celui qui sépare Israël de la Cisjordanie, ou tout au moins certaines zones palestiniennes du reste de la Cisjordanie.

Après le passage (facilité, nous concernant) du point de contrôle, forme de brèche dans le mur, nous nous sommes rendus près de Bethléem pour un instructif et passionnant échange avec M. Elias Iseed (Maire de Beit Sahour) et avec M. Hani Al Hayek (Ministre du tourisme et des antiquités de l’Autorité Palestinienne). Sans fard, mais aussi sans acrimonie excessive, il nous ont longuement présenté le quotidien des palestiniens, les difficultés quotidiennes de la population face à une situation voulue et visiblement assumée des autorités israéliennes qui visent à diviser la Palestine en petits secteurs pour lesquels la relation entre les uns et les autres est de plus en plus difficile, chaotique et aléatoire, car dépendant du seul bon vouloir des autorités israéliennes, qui, du jour au lendemain, d’une heure à la suivante, décident à leur guise d’ouvrir ou de fermer les différents points de contrôle. Le ministre du tourisme nous a expliqué que la situation était particulièrement difficile au regard de la perception extérieure de la situation sécuritaire et que cela ne manquait pas d’avoir des conséquences, y compris économique et financières, pour l’autorité palestinienne et la population, qui tirent une partie non négligeable de leurs revenus de cette activité. J’en ai retiré que c’est une nouvelle forme d’apartheid qui se met en place et que ce type de solutions, si elle est rassurante à court terme, sera selon moi intenable sur le long terme.

La question de Gaza et de ce qu’il s’y passe est très traumatisante pour les palestiniens de Cisjordanie, et même si nos interlocuteurs ont toujours pris soin de se démarquer du Hamas, s’ils affirment clairement leur solidarité avec leurs frères gazaouis et, tout en « condamnant » fermement les attaques du 7 octobre 2023, le caractère disproportionné de la réponse israélienne est jugé très sévèrement. En fait, si l’issue militaire des conflits dans la région est clair au regard de l’écrasante supériorité d’Israël, le manque de perspective et de solutions politiques sont particulièrement prégnantes, entraînant une forme de résignation fataliste, terreau selon moi d’un brasier qui ne pourrait que se renflammer.

Retour à Jérusalem pour une rencontre avec le frère Olivier PÉQUILLON Directeur de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem (EBAF). L’EBAF de Jérusalem est le plus ancien centre de recherche biblique et archéologique de Terre sainte. Elle fut fondée en 1890 par le père dominicain Marie-Joseph Lagrange dans le but de développer une approche historique (historico-critique) de la Bible. L’école a produit la Bible de Jérusalem et s’est largement impliquée dans les fouilles de Qumrân. Aussi cultivé que pédagogue, il nous a donné nombre de critères et de grilles de lecture sur l’enracinement de la présence chrétienne catholique en terre sainte en général, et au Saint-Sépulcre en particulier. Et finalement, il nous a démontré au travers de la liberté de ton et d’appréciation sur les textes sacrés une voix singulière qui, selon moi, si elle était reprise par d’autres religions faciliterait d’autant la compréhension mutuelle et l’échange quel qu’il soit.

Le soir, à notre hébergement, nous avons rencontré un Français ayant fait son Alya. Colon juif en Cisjordanie dont la pertinence des arguments et la forme employée ne m’a, à titre personnel, si peu convaincu que je préfère en rester là.

Le dimanche matin, visite de la Knesset où nous avons pu admirer les magnifiques tapisseries monumentales de Chagall. Nous avons eu une rencontre avec le député Yossi TAÏEB, député membre du parti Shas à la Knesset (parlement monocaméral d’Israël). Parfait francophone, brillant, déterminé, il a déroulé sa vision des choses et la politique du gouvernement qu’il soutient, tout en étant très évasif sur la question de Gaza, la disproportion de la réaction, et sur les récents propos du président étatsunien visant à en déporter la population. Nous avons touché la réalité de la détermination de l’actuelle majorité parlementaire, bien loin, pour ne pas dire diamétralement opposée à l’esprit des accords d’Oslo ou d’Abraham. Si la logique militaire et sécuritaire apparaît claire, la stratégie diplomatique et la perspective politique d’un accord de sortie de crise puis de paix nous apparaît lointaine et incertaine.

De la rencontre au ministère des affaires étrangères, qui a suivi, je n’en retiens rien car celle-ci s’est déroulée en anglais ce que j’ai ressenti comme un manque de respect à notre égard, à l’égard de notre pays et de sa langue.

La visite de Yad-Yachem s’est déroulée avec une émotion certaine. Le Yad Vashem est un mémorial dédié aux victimes de la Shoah construit à partir en 1953 et consacré à la mémoire des justes parmi les nations. Nous avons parcouru le jardin puis le mémorial de la Shoah. Cet épisode, parmi les plus tragiques de l’histoire de l’humanité trouve dans ce monument une forme « d’humanité », au travers de l’incarnation par des noms, des visages, de quelques unes des innombrables victimes de ces actes de barbarie, avec tout ce que cela représente.

Nous avons eu l’opportunité de rencontrer le représentant du Grand Rabbin, Eliezer Simcha Weisz (Rabbinat d’Israël, président de la commission pour le dialogue interreligieux), qui a permis de recentrer les aspects sur la chose théologique et sur les éléments, tant de convergences que de divergences entre les trois grandes religions monothéistes.

La dernière matinée fut consacrée à la visite du mur des lamentations, puis de l’esplanade des mosquées, le tout à deux pas du Saint-Sépulcre, ce qui nous a permis de mieux saisir l’étroite imbrication des lieux sacrés et la compliquée, pour ne pas dire difficile coexistence entre les différentes communautés. J’ai souvent l’habitude de dire qu’il faut insister sur ce qui rassemble plutôt que sur ce qui divise. Hélas, aujourd’hui à Jérusalem c’est trop souvent le contraire qui prévaut.

Pour terminer, nous nous sommes rendus sur un site archéologique qui était mis en valeur et réhabilité par la mission archéologique française de Jérusalem, le « Tombeau des Rois » fait référence aux premiers rois de Judée. C’est un honneur que de voir notre pays associé à la redécouverte d’un site archéologique si important, qui permet de mettre en valeur les savoir-faire spécifiques de l’histoire riche et mouvementée de cette région. En effet, mon intime conviction est que la France se grandit quand elle participe positivement à de tels travaux visant à puiser dans l’histoire des ressources qui permettront de mieux comprendre mais aussi de mieux affronter les défis de l’avenir. Ici, à Jérusalem, Dieu sait mieux que quiconque ce qu’il en advient.

Voyage en Israël, Philippe Folliot raconte…
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