Présentée comme la solution « prêt-à-porter » par un ensemble d’acteurs politiques hétéroclites, allant des députés écologistes à la France insoumise (avec l’abstention peu courageuse du Rassemblement national), cette proposition de nouvelle taxe est pour moi révélatrice de l’absence de responsabilité, je dirais même de la démagogie de certains élus nationaux.
De quoi parle-t-on ? La « taxe Zucman », proposée par l’économiste éponyme , viserait à fixer un impôt plancher sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros. Cela représente environ 1800 foyers fiscaux, et « devrait » selon ses auteurs, je dis bien « devrait » car c’est tout le problème, rapporter entre 15 et 25 milliards d’euros.
Mais dès à présent, il me semble utile de souligner la confusion entre patrimoine et revenus d’une part, entre revenus réels et virtuels d’autre part. On s’imagine facilement que ces fortunes se calculent en billets de banque, ou en propriétés foncières… la réalité c’est que la majorité de ces patrimoines sont constitués par différents actifs comme des participations dans des entreprises (entreprises familiales ou PME, comme grands groupes), d’actions et de placements. Lorsque ce type de patrimoine est échangé ou vendu, il en résulte bien un « gain » qui est aujourd’hui, comme il se doit, taxé. En revanche, en intégrant un impôt-plancher sur un revenu virtuel comme l’est l’augmentation de la valeur d’une action, on court le risque de voir ces mêmes détenteurs devoir vendre (donc souvent à des fonds étrangers) ce patrimoine pour s’en acquitter comme en son temps, pour nombre de modestes propriétaires de l’île de Ré touchés par l’impôt de solidarité sur la fortune tout en n’ayant pas, loin de là, les revenus des grandes fortunes…
Par contre, cette taxe risque bel et bien de nuire à la compétitivité économique, car les investissements de demain dans l’économie active pourraient manquer au moment où nous en avons le plus besoin. Fuite des capitaux, fuite des cerveaux, faiblesse de l’investissement : paradoxalement, cette mesure fiscale présentée par certains comme « de bon sens » réduirait les recettes publiques sur le long terme… et produirait une hausse de la dépense publique pour combler les trous ou le manque d’investissement, à l’heure où notre dette devrait atteindre 116% du PIB fin 2025. Prenons la taxe sur les yachts, qui a eu pour conséquence de faire fuir bon nombre de luxueux bateaux de plaisance jusqu’alors basés dans notre pays. Au-delà de la perte sèche d’emplois autour de l’activité, au-delà des revenus des anneaux pour les communes littorales, c’est le message qui a été envoyé : « allez investir et dépenser ailleurs ». Toute démarche de taxes de ce type, dans une économie européenne tellement « imbriquée » ne pourrait avoir de sens qu’a l’échelle européenne.
Alors que nous aurions besoin d’une revue générale de nos priorités en termes de finances publiques ainsi qu’une refonte de notre système de retraites, les débats autour de cette taxe alimentent volontairement un climat de méfiance et de division sociale. Lors des législatives en 2017, ou des sénatoriales de 2020, je portais comme promesse de campagne de veiller à ce que les plus faibles ne soient pas encore plus fragilisés, pourtant c’est finalement ce que nous risquons avec de telles mesures, car le chômage et la perte de vitalité économique induites cibleraient une fois de plus les titulaires d’emplois précaires.
De nombreux français ne comprennent pas pourquoi certains acteurs économiques continuent d’échapper à l’impôt alors que l’on demande des efforts à tous. Mais la simplicité de cette proposition qui vise davantage symboliquement à « punir les riches » plutôt qu’à proposer de véritables solutions durables pour réformer la fiscalité et lutter contre l’évasion n’y répond toujours pas. L’instabilité fiscale, économique et sociale, la situation de la défense nationale conséquence de décennies de sous-investissements, ainsi que la dette que nous léguons aux jeunes générations constituent une dette morale que l’on doit juguler. Cela demande du courage.
Je me suis souvent exprimé sur la nécessité pour la cohésion du corps social que de bien faire attention aux principes d’égalité et de justice sociale. La demande de justice fiscale est légitime, c’est la raison pour laquelle nous avions proposé par exemple avec l’Alliance centriste d’introduire la notion de présence numérique significative pour permettre de taxer les GAFAM qui ne payent que très peu d’impôts en France (son objectif serait de financer la protection sociale et diminuerait les charges sociales donc augmenterait les salaires et la compétitivité des entreprises ) . Pour aller encore plus loin, nous soutenons la proposition de notre vice-président de la commission des finances Michel Canevet, sénateur du Finistère, qui depuis des années, se bat pour l’instauration d’une sur les transactions financières qui aurait l’avantage d’un grand rendement et permettrait de toucher toute l’économie spéculative qui actuellement ne rapporte rien à la collectivité mais uniquement aux spéculateurs. Ce sont quelques unes des nombreuses pistes que nous pourrions étudier, si toutefois certains groupes politiques faisaient preuve d’un peu plus de responsabilité, et d’un peu moins de démagogie…
Amitiés,
Philippe Folliot